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Vices cachés et qualification de “vendeur professionnel”

Cass, 3ème civ, 10 juillet 2023, n° 12-17.149, Publié au Bulletin 

Cass, 3ème civ, 19 octobre 2023, n° 22-15.536, Publié au Bulletin 

Il résulte des dispositions de l’article 1645 du code civil que si le vendeur connaissait les vices de la chose vendu, il doit être tenu, outre à la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages intérêts envers l’acheteur. 

Inversement, l’article 1646 du code civil dispose que si le vendeur ignorait les vices de la chose vendue, il ne peut être tenu qu’à la restitution du prix et au remboursement à l’acquéreur des frais occasionnés par la vente. 

Afin de préserver le vendeur d’un éventuel recours en garantie de l’acquéreur sur le fondement des vices cachés, l’article 1643 du code civil dispose que celui-ci est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, « dans ce cas », il n’ait stipulé par une clause qu’il ne sera obligé à aucune garantie. 

Il en résulte donc que le vendeur qui avait connaissance du vice de la chose lors de la vente ne peut se prévaloir de la clause limitative ou élusive de garantie qui aura été prévue à l’acte de vente, puisqu’il s’agit bien entendu de ne protéger que le vendeur de bonne foi. 

Il en va de même du vendeur professionnel, qui est réputé avoir connaissance des vices afférents au bien vendu, qui lui aussi se trouve privé de la possibilité de se prévaloir de la clause limitative ou élusive de garantie pour échapper aux sanctions prévues par l’article 1645 du code civil (Cass, 3ème civ, 9 février 2011, n° 09-71.498 ; Cass, 3ème civ, 15 juin 2022, n° 21-21.143). 

Dans l’arrêt du 15 juin 2022, il s’agissait d’un maçon qui avait procédé à l’acquisition d’un bien immobilier pour y réaliser d’importants travaux de rénovation. 

Le bien ayant été revendu bien au-delà du délai d’épreuve de la garantie décennale, aucun recours ne pouvait être engagé sur le fondement des dispositions de l’article 1792-1 du code civil au titre des désordres qui avaient été constatés par l’acquéreur, qui entendait donc agir sur le fondement de la garantie des vices cachés, prévue aux articles 1641 et suivants du code civil. 

La cour d’appel de Besançon avait alors considéré que si le vendeur, de son état, était un professionnel de la construction, il n’était pas pour autant un géotechnicien, ni un ingénieur en structures, de sorte qu’il ne pouvait pas se voir opposer une présomption absolue de connaissance des vices, lui permettant ainsi d’opposer au vendeur la clause élusive de garantie pour échapper à toute condamnation. 

La cour de cassation avait alors cassé l’arrêt, en indiquant que « tenu de connaître les vices de la chose vendue, (le vendeur professionnel) ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés ». 

A même date, la cour de cassation avait également précisé qu’un phénomène extérieur et naturel, dont la survenue était imprévisible, ne pouvait pas constituer pour le vendeur une cause d’exclusion de garantie, au motif qu’il ne pourrait alors s’agir d’un vice caché (Cass, 3ème civ, 15 juin 2022, n° 21-13.286 : « En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une restriction qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé »). 

Dans les deux arrêts rendus les 10 juillet 2023 (Cass, 3ème civ, 10 juillet 2023, n° 12-17.149) et 19 octobre 2023 (Cass, 3ème civ, 19 octobre 2023, n° 22-15.536), tous deux publiés au Bulletin, la cour de cassation a appliqué la même qualification de vendeur professionnel à des non professionnels de la construction, au motif qu’ils avaient personnellement participé à la réalisation de l’acte de construire. 

Dans l’arrêt en date du 10 juillet 2023, la cour de cassation indique que le vendeur, qui a lui-même conçu et installé une cheminée en foyer ouvert, puis en foyer fermé lors de nouveaux travaux, est réputé disposer des compétences nécessaires et donc doit être considéré comme un vendeur professionnel présumé connaître les vices de construction. 

Cette décision est parfaitement conforme à un arrêt précédemment rendu le 9 février 2011 (Cass, 3ème civ, 9 février 2011, n° 09-71.498, Publié au Bulletin), au sujet d’un vendeur d’immeuble qui s’était comporté en constructeur pour l’installation d’un chauffage avec poêle à bois à l’origine d’un incendie : 

« Mais attendu qu’ayant retenu que M. X… s’était comporté en qualité de maître d’œuvre, qu’il avait acheté les matériaux, conçu l’installation litigieuse et l’avait en partie réalisée, la cour d’appel a légalement justifié sa décision en retenant qu’il devait être assimilé au vendeur professionnel tenu de connaître le vice. »  

Exit donc la clause élusive ou limitative de garantie au titre des vices cachés. 

Il pouvait être alors tentant de soutenir, au sujet d’une SCI venderesse que, s’agissant d’une personne morale, elle ne pouvait avoir personnellement réalisé les travaux dans lesquels les vices cachés trouvaient leur origine.  

Dans son arrêt en date du 19 octobre 2023, la cour de cassation précise alors que la SCI venderesse qui a elle-même réalisé les travaux, « par l’intermédiaire de son gérant, sans faire appel à un professionnel », doit être assimilée à un constructeur ou à un maître d’œuvre, de sorte qu’elle est présumée avoir connaissance du vice affectant la chose vendue. 

Sur ce, la qualification de vendeur professionnel peut également résulter non pas de l’intervention physique du vendeur dans l’acte de construire, mais procéder de l’objet social de l’activité de la SCI venderesse, ce qui constitue le second critère possible d’analyse. 

Ainsi, dans un arrêt en date du 6 décembre 1989 (Cass, 3ème civ, 6 décembre 1989, n° 88-12.985), la cour de cassation a pu considérer, au sujet d’une SCI dont le libellé de l’objet social était : « acquisition, construction, exploitation de tous immeubles ou fraction d’immeubles », qu’elle possédait nécessairement les techniques suffisantes pour être considérée comme un vendeur professionnel, même si elle n’avait pas participé à l’acte de construction. 

L’arrêt rendu le 27 octobre 2016 (Cass, 3ème civ, 27 octobre 2016, n° 15-24.232, Publié au Bulletin) s’inscrit dans la même orthodoxie juridique, au sujet d’une SCI venderesse qui avait procédé à l’acquisition d’une vieille ferme pour la transformer en logement d’habitation, avant de vendre une partie de l’ensemble immobilier pour en réinvestir le produit dans une nouvelle opération immobilière, la cour de cassation retenant alors la qualité de venderesse professionnelle, impliquant une présomption de connaissance des vices de l’immeubles en application des dispositions de l’article 1645 du code civil. 

Il est ainsi procédé, de façon désormais constante, à une analyse in concreto de l’objet social de la SCI venderesse et du contexte de l’opération immobilière, afin de retenir ou non la qualification de vendeur professionnel, avec les conséquences qui en découlent nécessairement. 

Dès lors, l’arrêt rendu le 21 mars 2019 (Cass, 3ème civ, 21 mars 2019, n° 18-13.673) ne manque pas de surprendre, considérant au sujet d’une SCI, dont l’objet social consistait en « l’acquisition par voie d’achat ou d’apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, l’aménagement, la gestion directe ou indirecte des biens et droits immobiliers dépendant des divers immeubles ci-après désignés … et généralement toutes opérations civiles pouvant se rattacher directement à cet objet ou susceptibles d’en favoriser le développement », qu’il n’y avait pas lieu de la qualifier de vendeur professionnel dès lors que « la vente d’immeuble n’entrait pas dans son objet social et qu’elle pouvait se prévaloir de la clause d’exonération de la garantie des vices cachés prévue dans l’acte de vente. »

Donnant ainsi une certaine force au propos selon lequel, en chose de justice, on ne peut décidément jamais être assuré de rien !  

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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