Cabinet ANGERS - 02 41 09 30 09 - contact@antarius-avocats.com

Cabinet RENNES - 02 23 41 14 33 - contactrennes@antarius-avocats.com

Vers un élargissement de la responsabilité délictuelle des assureurs vis-à-vis des maîtres d’ouvrage ?

Cass., 2 ème civ., 31 mars 2022, n° 20-17.662 :

Face à la multiplication des refus de garantie opposés par les assureurs suite aux arrêts de 1997
(Cass., 1 ère civ., 29 avril 1997, n° 95-10.187 ; Cass., 1 ère civ., 28 octobre 1997, n° 95-19.416), dans
lesquels la troisième chambre civile de la Cour de cassation a énoncé que « si le contrat d’assurance
de responsabilité obligatoire (décennale) que doit souscrire tout constructeur, ne peut comporter les
clauses d’exclusion autres que celles prévues à l’article A. 243-1 du code des assurances, la garantie
de l’assureur ne concerne néanmoins que le secteur d’activité professionnelle déclaré par ledit
constructeur », la Haute juridiction s’est efforcée de limiter le champ d’action des assureurs, tout
particulièrement à l’égard des tiers victimes. 
La Cour de cassation s’est alors fondée sur les éventuelles imprécisions et ambiguïtés du libellé de
l’activité couverte dans les attestations d’assurance, qui peuvent être soulevées par les tiers victimes,
avec pour conséquence de voir engagée la responsabilité civile de l’assureur. 
A partir de 2003 (Cass., 3 ème civ., 17 décembre 2003, n° 01- 12.259, FS-P+B+I+R, Pigassou c/ SA Cie
Gan : JurisData n° 2003-021520), la jurisprudence de la Cour de cassation a montré une inflexion
certaine sur le sujet.
La responsabilité́ de l’assureur étant la réponse reflexe traditionnelle des praticiens face à un refus
de garantie opposé par les assureurs, la Cour de cassation a saisi l’occasion, et a posé comme frein la
possibilité de sanctionner des assureurs en responsabilité décennale, pour manquement à leur
obligation de renseignement dans le cadre de la rédaction des attestations d’assurance.
La nature de cette responsabilité́ variant, bien évidemment, selon que celui qui l’invoque a la qualité́
d’assuré ou de tiers bénéficiaire de l’action directe.
L’action en responsabilité sera donc de nature contractuelle dans le premier cas, et de nature
délictuelle dans le second cas.
Bien que l’arrêt du 31 mars 2022 (Cass., 2 ème civ., 31 mars 2022, n° 20-17.662) ne soit pas rendu dans
le domaine de l’assurance construction, la position adoptée par la 2 ème chambre civile de la Cour de
cassation pourrait parfaitement être adoptée par la 3 ème chambre civile.
En l’espèce, un particulier a confié le déménagement de ses meubles à une entreprise qui avait
souscrit un contrat d’assurance « responsabilité du transporteur – marchandises transportées –
responsabilité civile de l’entreprise ».
Sur demande du propriétaire des meubles, la société de déménagement avait conclu une garantie
dépositaire pour les dommages que pourraient subir le mobilier et les œuvres d’art pendant le temps
de leur dépôt en garde-meubles, par l’intermédiaire d’un courtier en assurances.
A la suite de cette souscription, une partie des biens avait été dérobée dans le garde-meubles, alors
que les biens non dérobés et entreposés dans un autre garde-meubles avaient, quant à eux, été
inondés.
Le propriétaire avait donc assigné en indemnisation de ses préjudices l’assureur et le courtier.
La cour d’appel l’ayant débouté, il porta le contentieux devant la Cour de cassation.
Dans son pourvoi, le propriétaire faisait valoir que « l’assureur est contractuellement tenu d’informer
et de conseiller l’assuré sur l’adéquation de la garantie souscrite à la situation personnelle de l’assuré
». Il soutenait que l’assureur avait omis de conseiller à la société de déménagement la souscription

d’une garantie suffisamment étendue, notamment au regard des clauses d’exclusion de la police et
du plafond de la garantie souscrite. Il entendait ainsi engager la responsabilité délictuelle de
l’assureur à l’égard du tiers au contrat. 
La Cour de cassation, sensible à son argument, estima que « la cour d’appel aurait du rechercher si
l’assureur n’avait pas commis un manquement contractuel à son obligation d’information et de
conseil en conseillant la garantie souscrite», elle ajouta que « La clause excluant de la garantie
responsabilité civile d’entrepositaire de marchandises les dommages qui résultent de vols ou
d’inondations, s’analyse en une clause d’exclusion en ce qu’elle prive l’assuré du bénéfice de cette
garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque ». 
Si cette jurisprudence venait à être confirmée, cela aurait pour conséquence d’étendre
considérablement l’engagement de la responsabilité délictuelle des assureurs, bien au-delà de
l’engagement de leur responsabilité en raison d’une mauvaise rédaction des attestations
d’assurance.
Aussi, l’action du tiers sera d’autant plus facilitée par le fait que la charge de la preuve de l’exécution
du devoir de conseil incombe à l’assureur.
De ce fait, le tiers aura seulement à soutenir que la garantie souscrite n’était pas adaptée à l’activité
de l’assuré, pour que l’assureur soit contraint de démontrer que, soit il avait proposé d’autres
garanties à l’assuré, soit que même s’il les auraient proposé, l’assuré n’y aurait pas souscrit.

Partagez

Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

Vous avez besoin d'un conseil ?

Newsletter Antarius Avocats

Recevez par email toute notre actualité