Cour d’appel d’Angers, Chambre A civile, 1er avril 2025, n°21/00845
À la suite de l’apparition de désordres, des maîtres de l’ouvrage ont obtenu en référé la mise en œuvre d’une expertise judiciaire à laquelle un constructeur, en liquidation judiciaire, et son assureur RC décennale n’ont pas été appelés.
À la suite du dépôt du rapport d’expertise judiciaire, les maîtres de l’ouvrage ont engagé une procédure devant le Tribunal judiciaire de Laval, afin de solliciter l’indemnisation de leurs préjudices, notamment à l’encontre de l’assureur RC décennale du constructeur défaillant.
Par un arrêt rendu le 1er avril 2025, la Cour d’appel a débouté, le plus sérieusement du monde, les maîtres de l’ouvrage de leurs demandes dirigées à l’encontre de l’assureur, du fait du caractère inopposable du rapport d’expertise judiciaire versé aux débats.
Il sera rappelé que sans exclure la valeur probante d’un rapport d’expertise, établi contradictoirement ou non, la Cour de cassation n’en a pas moins posé comme condition que si un juge ne peut refuser de l’examiner, il doit être alors nécessairement corroboré par d’autres éléments de preuve également soumis à la discussion contradictoire des parties (Cass, ch. mixte, 28 septembre 2012, n°11-18.710 ; Cass, 2ème civ, 9 février 2023, n°21-15.784 ; Cass, 3ème civ, 21 janvier 2021, n°19-16.894 ; Cass, 3ème civ, 14 mai 2020, n°19-16.278 ; 19-16.279, Publié au bulletin ; Cass, 3ème civ, 7 septembre 2022, n°21-20.490 ; Cass, com, 5 octobre 2022, n°20-18.709 ; Cass, 2ème civ, 15 décembre 2022, n°21-17.957).
Le principe s’applique qu’il s’agisse d’un rapport d’expertise amiable, établi contradictoirement ou non, ou d’un rapport d’expertise judiciaire à laquelle ni l’assuré, ni l’assureur, n’auraient été appelés.
A cet égard, il sera toutefois rappelé que la seule mise en cause de l’assuré permet d’opposer à son assureur un rapport d’expertise judiciaire, sauf à justifier de l’existence d’une fraude (Cass, 3ème civ, 9 juin 2004, n°03-11.480).
Le rapport d’expertise judiciaire qui est opposable à l’assuré, l’est également de droit à l’assureur.
En dehors de cette circonstance particulière, le principe sus énoncé procède de l’application des dispositions des articles 9, 15, 16 et 132 du code de procédure civile, et de l’article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
S’agissant d’un rapport d’expertise amiable, s’il peut constituer une preuve judiciairement admissible, dès lors qu’il est soumis au débat contradictoire, il reste qu’il doit être impérativement corroboré par d’autres éléments de preuve également soumis à la contradiction des parties, puisqu’à défaut le rejet des demandes doit être prononcé (Cass, 2ème civ, 13 septembre 2018, n°17-20.099 : « Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est fondée exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence des parties, a violé le texte susvisé. »)
S’agissant d’un rapport d’expertise judiciaire, l’absence de l’assuré et de l’assureur aux opérations d’expertise judiciaire, implique de la même façon que ses conclusions soient corroborées par des éléments extérieurs.