Cass, 1ère civ, 17 mai 2023, n° 21-25.670, publié au Bulletin
Les époux N. ont conclu avec la société MEDIA SYSTEME un contrat de fourniture et d’installation de 18 panneaux photovoltaïques et d’un chauffe-eau thermodynamique dont le coût a été financé par un crédit affecté.
Le 2 novembre 2017, les époux N. ont établi une attestation de fin de travaux et de conformité permettant à la banque de débloquer le capital emprunté entre les mains de la société MEDIA SYSTEME.
Le 25 janvier 2018, les époux N. ont entendu exercer leur droit de rétractation, alors que les travaux étaient achevés.
Faute d’accord entre les parties, les époux N. ont assigné la société MEDIA SYSTEME et la banque, afin de faire juger la caducité des contrats.
La cour d’appel a retenu que les époux N. avaient exercé leur droit de rétractation dans le délai légal prorogé de 18 mois, sur le fondement de l’article L 221-20 du code de la consommation, et a donc constaté l’anéantissement du contrat.
Pour en décider ainsi, la cour d’appel a fixé le point de départ du délai de rétractation au jour de la livraison, dès lors que : « Le contrat a pour objet la livraison de biens et la fourniture d’une prestation de services destinée à leur installation et mise en service, accessoire de la fourniture du matériel, ce qui devait conduite à l’assimiler à un contrat de vente ».
La société MEDIA SYSTEME a donc été condamnée à récupérer à ses frais le kit de 12 panneaux photovoltaïques, le ballon thermodynamique et les éléments afférents à l’installation.
Sur ce, la société MEDIA SYSTEME a inscrit un pourvoi en cassation, au motif que la fourniture et la pose d’un dispositif destiné à produire de l’énergie relève du contrat de prestations de services au sens de l’article 2 de la directive 2011/83/UE, ce qui implique que le point de départ du délai de rétractation doit être fixé au jour de la conclusion du contrat et non au jour de la livraison.
Ainsi donc :
- soit la prestation de fourniture et de pose du dispositif destiné à produire de l’énergie est qualifié de contrat de prestation de services et auquel cas l’article 2 de la directive 2011/83/UE s’applique, ce dont il résulte que le point de départ du délai de rétractation est constitué par la date de conclusion du contrat,
- soit la prestation de fourniture et de pose du dispositif destiné à produire de l’énergie est qualifié de contrat de vente et auquel cas les articles L 221-1 et L 221-18 du code de la consommation s’appliquent, ce dont il résulte que le point de départ du délai de rétractation est constitué par la date de la livraison.
Le pourvoi est rejeté, au motif que :
« La cour d’appel a constaté que le contrat litigieux conclu entre la société MEDIA SYSTEME et M.N. et Mme Z. avait pour objet la fourniture d’un kit photovoltaïque et d’un chauffe-eau, leur installation complète et leur mise en service ».
« Elle a exactement retenu que ce contrat mixte, portant sur la livraison de biens ainsi que sur une prestation de service d’installation et de mise en service, devait être qualifié de contrat de vente ».
« Ayant constaté que le bon de commande comportait une information erronée quant au point de départ du délai de rétractation, elle en a exactement déduit que ce délai, prorogé de douze mois, n’était pas expiré lorsque M.N. et Mme Z. se sont rétractés de leur engagement et qu’en conséquence les contrats de vente et de crédit affecté avaient pris fin ».
- Il sera rappelé que sont soumis aux articles L 121-21 à L 121-33 du code de la consommation quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d’une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l’achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d’achat de biens ou la fourniture de services.
L’application de ces dispositions à un contrat de fourniture et de pose d’un kit photovoltaïque n’est pas nouvelle, la Cour de cassation ayant déjà rappelé qu’il convenait alors de caractériser que le devis avait été accepté au domicile du consommateur et en présence du professionnel (Cass, 1ère civ, 9 décembre 2020, n° 18-391, publié au Bulletin).
Tel est bien le cas en l’espèce, étant rappelé dans l’exposé du litige que le contrat de fourniture et d’installation des panneaux photovoltaïques avait été conclu « hors établissement » et le sujet n’était pas en soit discuté.
Sur ce, ayant retenu la qualification de contrat de vente, la Cour de cassation a validé le raisonnement selon lequel le point de départ du délai de rétractation courrait à compter de la livraison, en application des articles L 221-1 et L 222-18 du code de la consommation.
- Mais l’intérêt de l’arrêt porte sur la qualification du contrat qui a été retenue par la Haute juridiction, puisqu’il aurait pu tout aussi bien être considéré qu’il s’agissait d’un contrat de louage d’ouvrage.
A cet égard, il sera rappelé qu’il résulte de l’article 1710 du code civil que le contrat de louage d’ouvrage est le « contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ».
Or, en l’espèce, le contrat qui a été conclu avait tout précisément pour objet non seulement la fourniture d’un kit photovoltaïque composé de 18 panneaux et d’un chauffe-eau, mais également leur installation complète et leur mise en service.
Si à juste titre la Haute juridiction constate l’existence d’un « contrat mixte », portant tout à la fois sur la livraison de biens et sur une prestation d’installation et de mise en service, la qualification de contrat de vente n’a pas lieu d’être systématique contrairement à ce que pourrait laisser entendre la rédaction de l’arrêt.
Elle a pour conséquence d’écarter le régime de responsabilité et de garantie des constructeurs (Cass, 1ère civ, 19 avril 2023, n° 21-23.726, publié au Bulletin), ce qui n’est pas sans incidence.
En réalité, la qualification de vente est préférée à la qualification de louage d’ouvrage toutes les fois que la valeur économique du matériel est manifestement supérieure à celle du travail fourni pour le poser.
Si la pose ne peut être contractuellement dissociée de la fourniture, elle se singularise néanmoins par son montant et donc sa valeur représentative dans le prix global.
Il s’agit donc d’une appréciation au cas par cas.
Qui plus est, en l’espèce, le contrat portait sur la fourniture et la pose de matériels standardisés, qui n’avaient rien de spécifique à la maison d’habitation des époux N., alors que le contrat de louage d’ouvrage se singularise habituellement par la réponse apportée à des besoins précis d’un chantier, tel que l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt en date du 20 avril 2022 (Cass, 3ème civ, 20 avril 2022, n° 21-14.182, publié au Bulletin) :
« 11. En premier lieu, la cour d’appel a relevé que, si les projecteurs commandés étaient référencés au catalogue de la société de droit allemand Franz Sill GmbH, le bon de commande, qui mentionnait qu’ils devaient être revêtus d’une protection complémentaire par « rilsanisation » et équipés d’une patte de fixation, également traitée selon le même procédé et raccourcie au maximum pour réduire l’encombrement des appareils de façon à faciliter le nettoyage du caniveau, spécifiait ainsi les caractéristiques particulières qu’ils devaient revêtir afin de répondre aux besoins précis du chantier auquel ils étaient destinés.
12. Ayant ainsi caractérisé l’existence d’un travail spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers, elle a pu déduire, de ces seuls motifs, que la société Led Puck France était liée à la société Eiffage par un contrat de louage d’ouvrage. »
En l’espèce donc, le contrat constitue un contrat de vente, au sein duquel la pose fait partie intégrante de la livraison, et non un contrat d’entreprise, auquel il serait possible d’appliquer les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil en cas de sinistre.