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Responsabilité du diagnostiqueur et indemnisation du préjudice

Cass, 3ème civ, 30 janvier 2025, n°23-14.069

Cass, 3ème civ, 30 janvier 2025, n°23-14.029

La Cour de cassation a rendu le 30 janvier 2025 deux arrêts qui sont l’occasion de faire un rappel de l’état de la jurisprudence sur la responsabilité des diagnostiqueurs et du préjudice indemnisable en découlant. 

I – S’agissant de la responsabilité du diagnostiqueur: 

Il est constant que le diagnostiqueur, qui est tenu d’une obligation contractuelle de moyens accentuée dans l’accomplissement de sa mission (Cass, ch. mixte, 8 juillet 2015, n°13-26.686), ne peut voir sa responsabilité engagée s’il l’a réalisée conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur (Cass, 3ème civ, 8 juillet 2015, n° 13-26.686) : 

« Mais attendu qu’il résulte de l’article L 271-4 du CCH que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné au 3° du deuxième alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné. » 

A ce titre, le diagnostiqueur n’a pas l’obligation de procéder à des sondages destructifs (Cass, 3ème civ, 30 janvier 2025, n°23-14.069).

Il n’en reste pas moins que le diagnostiqueur ne peut s’exonérer de sa responsabilité, au motif qu’il ne lui appartenait pas de procéder à des sondages destructifs, lorsqu’il est justifié de circonstances qui auraient dû le conduire à conseiller au maître de l’ouvrage la réalisation d’investigations complémentaires, afin de pouvoir conclure de façon à l’absence de contamination dans les parties non visibles. 

Sur ce, le diagnostiqueur ne doit pas circonscrire son intervention à un contrôle visuel, ni à certaines parties de l’immeuble seulement, et il lui incombe de procéder à une recherche systématique (Cass, 3ème civ, 3 janvier 2006, n° 05-14.380). 

«Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que l’opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, tout en relevant que le diagnostiqueur s’était abstenu d’effectuer des sondages non destructifs, notamment sonores, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, dès lors qu’il n’avait effectué de repérage que dans les parties visibles, il pouvait conclure à l’absence d’amiante dans les autres parties sans émettre de réserves, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision; » 

La Cour de cassation rappelant de façon constante que le contrôle du diagnostiqueur, notamment en matière de diagnostic amiante, ne doit pas être purement visuel et nécessite la mise en œuvre de vérifications sans pour autant impliquer des travaux destructifs : 

« Mais attendu, d’une part, qu’ayant exactement retenu que le contrôle auquel devait procéder le diagnostiqueur n’était pas purement visuel, mais qu’il lui appartenait d’effectuer les vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs et constaté que la société A… n’avait pas testé la résistance des plaques, ni accédé au comble par la trappe en verre située dans le couloir, la cour d’appel a pu en déduire que cette société avait commis une faute dans l’accomplissement de sa mission » (Cass, 3ème civ, 21 mai 2014, n°13-14.891). 

Le principe est également opposable au diagnostiqueur qui aurait entrepris d’investiguer sur des matériaux qui ne figurent pas dans la liste des points de contrôle obligatoire (annexe I de l’arrêté du 22 août 2022), la Cour de cassation ayant indiqué dans un arrêt en date du 7 décembre 2023 (Cass, 3ème civ, 7 décembre 2023, n°22-22.418) que :

«Le diagnostiqueur, qui avait pris l’initiative d’un contrôle portant sur des éléments ne figurant pas dans la liste des points de contrôle obligatoire, devait, en application de l’annexe I de l’arrêté du 22 août 2022, signaler la présence d’amiante au niveau de la couverture du bâtiment principal, comme il l’avait fait pour celle de l’annexe, dont la composition était similaire, dès lors qu’il avait connaissance de la présence d’amiante en cet endroit.» 

L’arrêt qui a été rendu le 30 janvier 2025 (n°23-14.069) s’inscrit donc dans cette logique.

En l’espèce, après avoir procédé à l’acquisition d’un bien immobilier, les époux E. avaient constaté la présence d’amiante dans l’entrée de l’immeuble lors de travaux de réhabilitation, alors que le diagnostiqueur qui était intervenu avant la vente avait exclu la présence d’infestation.

Pour débouter les acquéreurs de leur demande d’indemnisation par un arrêt en date du 14 novembre 2022 (Cour d’appel de Nancy, 14 novembre 2022, n°21/02686), les juges d’appel avaient considéré que si l’immeuble renfermait dans l’entrée des matériaux amiantés au niveau d’un fourreau enfoui dans le sol, et si la trappe ouvrant sur des canalisations enterrées pouvait être manipulée sans dommage, il n’était cependant pas possible de déterminer avec précision dans quels matériaux se trouvait l’amiante ni où il était localisé, de sorte qu’aucune faute ne pouvait être reprochée au diagnostiqueur si le repérage des matériaux nécessitait de procéder à des tests invasifs, peu important que l’amiante puisse se trouver à l’intérieur des matériaux visibles à l’ouverture de la trappe ou dans les autres matériaux non visibles depuis le regard.

L’arrêt est cassé au motif que :

« En statuant ainsi, après avoir constaté que la manipulation sans dommage de la trappe dans l’entrée de l’immeuble autorisait un regard sur le fourreau de conduites de chauffage, c’est-à-dire une vérification visuelle, sans travaux destructifs, d’un matériau mentionné dans la liste B , ce qui aurait dû conduire le diagnostiqueur, en cas de doute, à réaliser des prélèvements pour analyse, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. »

II – S’agissant de l’indemnisation du préjudice: 

Après avoir limité le préjudice indemnisable à la perte de chance d’avoir évité de prendre en charge tout ou partie des frais de désamiantage (Cass, 3ème civ, 20 mars 2013, n° 12-14.711), la Cour de cassation a retenu le principe d’une indemnisation intégrale (Cass, Ch. mixte, 8 juillet 2015, n° 13-26.686) : 

«La cour d’appel a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par M. et Mme X… du fait de ce diagnostic erroné avaient un caractère certain et que la société MMA, assureur de la société HDI, leur devait sa garantie.» 

Le même principe a été adopté en présence de termites non signalée dans l’attestation destinée à informer les acquéreurs sur la présence de parasites, le préjudice étant ici encore considéré comme étant constitué et certain. » (Cass, 3ème civ, 15 octobre 2015, n° 14-18.077)

Après avoir confirmé cette analyse dans un arrêt en date du 21 décembre 2023 (Cass, 3ème civ, 21 décembre 2023, n° 22-19.369), en précisant que la seule présence d’amiante ou d’un parasite non détecté à tort, caractérise pour l’acquéreur la certitude de son préjudice, correspondant au coût des travaux curatifs, de sorte que son indemnisation doit être alors intégrale, la Cour de cassation réitère dans son arrêt en date du 30 janvier 2025 (n°23-14.029), en des termes exempts de toute ambiguïté :

« Pour limiter à la somme de 40.000 euros le montant des dommages-intérêts dus à l’acquéreur par suite du caractère erroné de l’état avant vente de présence  de matériaux et produits amiantés dressé par le diagnostiqueur, l’arrêt énonce que la nécessité de désamianter l’immeuble n’est pas établie et qu’il y a lieu de réparer le préjudice allégué au titre de la perte de chance de négocier une baisse de prix d’achat de l’immeuble.

En statuant ainsi, après avoir relevé que le diagnostiqueur avait fautivement omis de signaler la présence d’amiante dans les toitures d’une dépendance, de la chaufferie, du garage, des combles 1 et 2 et la toiture de la buanderie et de la cuisine, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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