Cass, 3ème civ, 21 novembre 2024, n°21-12.661, Publié au bulletin
Pendant très longtemps, en matière de promesse unilatérale de vente, la jurisprudence a considéré que la rétractation du Promettant antérieurement à la levée de l’option, était de nature à empêcher la réitération forcée de la vente, en l’absence de rencontre des volontés, malgré l’atteinte portée unilatéralement à la force obligatoire du contrat (Cass, com, 14 janvier 2014, n°12-29.071).
Sur ce, le Bénéficiaire de la promesse de vente ne pouvait prétendre qu’à des dommages intérêts en réparation de son préjudice découlant de la volte-face du Promettant (Cass, 3ème civ, 11 mai 2011, n°10-12.875 ; Cass, com, 13 septembre 2011, n°10-19.526 ; Cass, 3ème civ, 12 juin 2013, n°12-19.105 ; Cass, 3ème civ, 6 décembre 2018, n°17-21.170 ; Cass, 3ème civ, 15 décembre 2009, n°08-22.008).
La réforme du droit des contrats, par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, est passée par là et le nouvel article 1124 du code civil dispose désormais que : « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au Bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. »
Le contrat régulièrement formé tenant lieu de loi entre les parties, en vertu de l’article 1103 du code civil, il n’était pas illégitime de considérer le Promettant redevable au titre de son double engagement, d’une part de vendre, et d’autre part de laisser un délai au Bénéficiaire pour se déterminer.
Pour autant, la nouvelle disposition législative étant entrée en vigueur le 1er octobre 2016 et ne s’appliquant qu’aux promesses unilatérales de vente conclues à compter de cette date, il était intéressant de voir si la Haute juridiction allait adapter sa jurisprudence pour les promesses unilatérales de vente conclues antérieurement.
Tel est bien le cas, puisqu’il est désormais tenu pour acquis que, quel que soit la date à laquelle la promesse unilatérale de vente est régularisée, la rétractation du Promettant avant l’expiration du délai d’option qui est ouvert au Bénéficiaire, n’empêche pas la formation de la vente, sauf dispositions contractuelles contraires.
Depuis un arrêt de la chambre commerciale en date du 15 mars 2023 (Cass, com, 15 mars 2023, n°21-20.399), la jurisprudence des différentes chambres est d’ailleurs unifiée sur ce sujet (Cass, soc, 21 septembre 2017, n°16-20.103 ; n°16-20-104 ; Cass, 3ème civ, 23 juin 2021, n°20-17.551, Publié au bulletin ; Cass, 3ème civ, 20 octobre 2021, n°20-18.514), et l’arrêt rendu par la 3ème chambre civile le 21 novembre 2024 vient le confirmer avec force, puisqu’étant publié.
Déjà, par un arrêt en date du 6 septembre 2011 (Cass, 3ème civ, 6 septembre 2011, n°10-20.362), la Haute juridiction avait rendu une décision dissonante à l’époque, en considérant que la rétractation du Promettant de son engagement de vendre ne pouvait pas empêcher le Promettant de lever l’option et de lui faire produire effet.
Cet arrêt annonçait l’arrêt cette fois-ci publié du 23 juin 2021 (Cass, 3ème civ, 23 juin 2021, n°20-17.554, Publié au bulletin), aux termes duquel la promesse étant un avant contrat, c’est à la date de sa conclusion que doivent être appréciées les conditions de validité de la vente.
Par son arrêt rendu le 21 novembre 2024, la Cour de cassation confirme donc sa volonté d’unifier sa jurisprudence avec les nouvelles dispositions législatives.
En l’espèce, par un arrêt en date du 5 janvier 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Cour d’appel Aix-en-Provence, 1ère chambre A, 5 janvier 2021, n°19-16719) avait rejeté une demande de transfert de propriété d’une parcelle en exécution d’une promesse unilatérale de vente, au motif qu’il ne lui était plus possible d’ordonner l’exécution forcée de la vente dès lors que le refus du Promettant de se soumettre à son obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts.
L’arrêt est cassé au terme d’une rédaction très pédagogique, qui prend soin de rappeler l’évolution jurisprudentielle de la Cour de cassation :
« … la promesse unilatérale de vente étant un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.
Bien qu’énonçant que la révocation de la promesse par le Promettant pendant le temps laissé au Bénéficiaire pour opter ne peut empêcher la formation du contrat promis, l’arrêt retient qu’il n’est pas possible en pareil cas d’ordonner la réalisation forcée de la vente, s’agissant d’une obligation de faire ne se résolvant qu’en dommages-intérêts.
En statuant ainsi, se conformant à l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (articles 1101, 1134 alinéa 1er et 1142 du code civil).
Et tirant les conséquences de cette analyse, la Haute juridiction de préciser dans son arrêt que, dès lors que l’engagement de vendre du Promettant est irrévocable, la vileté du prix doit s’apprécier, à la différence de l’action en rescision pour lésion de l’article 1674 du code civil, à la date de la signature de la promesse unilatérale de vente et non à la date de la levée de l’option.