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Promesse de vente, conditions suspensives et obligations du promettant … la rigueur des principes

Cass, 3ème civ, 11 juillet 2024, n°22-20.046

Il est toujours essentiel de se rappeler qu’une promesse de vente est un contrat qui lie les parties signataires et qui les engage donc au titre d’un certain nombre d’obligations très précises, dont ils ont convenu du principe d’un commun accord.

S’il est plus commun que la défaillance du bénéficiaire de la promesse de vente soit sanctionnée par l’obligation à paiement de l’indemnité d’immobilisation, en conséquence de la caducité de la promesse, il est moins courant que ce soit le promettant qui, en pareille circonstance, réponde de la même façon de sa propre défaillance.

L’arrêt qui a été rendu par la Haute juridiction le 11 juillet 2024 en offre un bel exemple.

Une promesse synallagmatique de vente avait été conclue par acte authentique portant sur l’acquisition de parcelles de terrain pour la construction de plusieurs logements, moyennant le prix de 6.036.907,90 euros TTC payable à la signature de l’acte réitératif de vente.

Les parties avaient contractuellement convenu de cinq conditions suspensives, dont l’une d’elle précisait que « Il devra être justifié par le vendeur d’un état hypothécaire hors formalités ou d’une fiche d’immeuble en cours de validité ne révélant aucune publication de commandement de saisie, ni d’inscription de privilège ou d’hypothèque garantissant les créances dont le solde en capital, intérêts et accessoires ne pourrait être remboursé au moyen du prix de vente. »

A réception de la convocation du notaire pour procéder à la signature de l’acte authentique de vente, le bénéficiaire de la promesse n’a pas fait état d’une difficulté liée aux conditions suspensives dont les parties avaient convenues, notamment au sujet des inscriptions hypothécaires, mais a simplement indiqué que la signature devait être retardée du fait de la présence de remblais et de terre sur les parcelles objet de la vente.

En définitive, après lui avoir fait délivrer une sommation d’avoir à comparaitre devant le notaire pour parfaire la vente et en régler le prix, le promettant a fait établir un procès-verbal de difficulté, avant de solliciter le paiement de l’indemnité d’immobilisation d’un montant de 259.200,00 euros et de notifier au bénéficiaire la caducité de la promesse de vente.

Le bénéficiaire a alors pris l’initiative d’assigner le promettant en constatation de l’absence de caducité de la promesse, en irrecevabilité de la demande du promettant en paiement de l’indemnité d’immobilisation et en paiement d’une somme de 4.958.565,00 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice résultant du refus, par le promettant, de réitérer la vente…

Par un arrêt confirmatif en date du 9 juin 2022 (Cour d’appel de Lyon, 9 juin 2022, n°20/00379), la Cour d’appel de Lyon a condamné le bénéficiaire de la promesse de vente à payer au promettant l’indemnité d’immobilisation, au motif qu’il ne pouvait pas se prévaloir de la condition suspensive relative à la justification par le vendeur d’un état hypothécaire hors formalité ne révélant aucune inscription, faute de justifier d’une inscription hypothécaire ou d’un privilège sur les parcelles vendues.

En creux, il était donc considéré que le bénéficiaire de la promesse de vente ne justifiait pas d’un préjudice résultant de l’absence de justification par le promettant d’un état hypothécaire vierge, alors même que cette obligation figurait au nombre des conditions suspensives.

Au soutien de son pourvoi en cassation, le bénéficiaire soutenait que les parties à une promesse de vente sont libres de faire peser sur l’une d’elle la charge d’accomplir les formalités nécessaires à la réalisation de l’une des conditions suspensives, mais aussi celle de prouver que la condition a été réalisée.

Sur ce, faute d’avoir justifié, à la date de la signature de l’acte réitératif de vente de l’état hypothécaire des parcelles, afin de prouver la réalisation de la condition suspensive, le promettant avait manqué à ses obligations contractuelles, ce qui lui interdisait de prétendre au paiement de l’indemnité d’immobilisation.

L’arrêt de la Cour d’appel de Lyon est cassé par la Haute juridiction par son arrêt en date du 11 juillet 2024 au visa de l’article 1134 alinéa 1er du code civil, dont il résulte que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et de l’article 1315 alinéa 2 du code civil, dont il résulte que celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation, au motif que :

« En statuant ainsi, alors que la promesse stipule qu’il devra être justifié par le promettant d’un état hypothécaire ne révélant aucune publication ni inscription, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » 

Sur ce, l’arrêt sanctionne le promettant pour n’avoir pas justifié de la réalisation de la condition suspensive qui avait été mise à sa charge, tenant à la production d’un état hypothécaire vierge de toute inscription de privilège, étant à cet égard parfaitement indifférent qu’en définitive il ne soit pas justifié de l’existence d’une inscription.

La réalisation de la formalité par le promettant s’entend strictement, ce qui conduit à considérer qu’à la date de la signature de l’acte réitératif de vente les conditions suspensives n’étaient donc pas intégralement réalisées.

A cet égard, la position de la Haute juridiction apparait beaucoup plus stricte que ce qu’elle a pu être amenée à retenir antérieurement, notamment dans un arrêt rendu le 18 mars 1998 (Cass, 3ème civ, 18 mars 1998, n°95-22-089), concernant une promesse synallagmatique de vente d’un terrain à bâtir conclue sous conditions suspensives, notamment de l’obtention d’un permis de construire.

La Cour de cassation avait alors indiqué, pour justifier la condamnation du bénéficiaire de la promesse au paiement du montant de l’indemnité d’immobilisation, que : « X. ayant empêché l’accomplissement de la condition suspensive en ne déposant pas la demande de permis de construire à l’obtention duquel les parties avaient subordonné la réalisation de la vente, sans rapporter la preuve, lui incombant, qu’une telle demande, si elle avait été faite, aurait été rejetée. »

Plus que jamais donc, il incombe aux parties de lire très attentivement les promesses de vente qu’elles sont amenées à signer et de respecter scrupuleusement les obligations qui sont mises à leur charge, tout autant qu’à leur conseil, le temps du contentieux venu, afin d’y trouver les arguments nécessaires, au cas par cas, afin de pouvoir défendre le plus utilement possible la cause qui leur est confiée.

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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