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Précision importante sur la force probante d’un rapport d’expertise amiable

Sans aucunement exclure la valeur probante d’un rapport d’expertise amiable, établi contradictoirement ou non, la Cour de cassation n’en a pas moins posé comme condition que si un juge ne peut refuser de l’examiner, dès lors qu’il a été régulièrement versé aux débats, il doit être alors nécessairement corroboré par d’autres éléments de preuve également soumis à la discussion contradictoire des parties (Cass, ch. mixte, 28 septembre 2012, n°11-18.710 ; Cass, 2ème civ, 9 février 2023, n°21-15.784 Cass, 3ème civ, 21 janvier 2021, n°19-16.894 ; Cass, 3ème civ, 14 mai 2020, n°19-16.278 ; 19-16.279, Publié au bulletin ; Cass, 3ème civ, 7 septembre 2022, n°21-20.490 Cass, com, 5 octobre 2022, n°20-18.709 ; Cass, 2ème civ, 15 décembre 2022, n°21-17.957).

Il est ainsi constant qu’en application des dispositions des articles 9, 15, 16 et 132 du code de procédure civile, mais également de l’article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, un rapport d’expertise amiable peut tout à fait constituer une preuve judiciairement acceptable, dès lors qu’il est soumis au débat contradictoire.

Il n’en reste pas moins qu’en toute circonstance, le rapport d’expertise amiable doit être corroboré par d’autres éléments de preuve également soumis à la contradiction des parties.

Sur ce, il s’agit bien de deux conditions cumulatives, la Haute juridiction indiquant très clairement, dans un arrêt en date du 13 septembre 2018 (Cass, 2ème civ, 13 septembre 2018, n°17-20.099) : « Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est fondée exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence des parties, a violé le texte susvisé. »

Par deux arrêts rendus les 16 janvier 2025 (Cass, 3ème civ, 16 janvier 2025, n°23-15.877) et 30 janvier 2025 (Cass, 3ème civ, 30 janvier 2025, n°23-15.414), la Haute juridiction apporte une confirmation intéressante concernant le complément de preuve qui doit être apporté au rapport d’expertise amiable qui est versé aux débats.
Il est ici en effet confirmé que le complément de preuve peut parfaitement résulter d’un rapport d’expertise privé venant corroborer un premier rapport d’expertise amiable, ce qui vaut également en présence de deux rapports d’expertise privés établis non contradictoirement.

Dans l’arrêt du 16 janvier 2025, la Cour de cassation indique ainsi que «  Ayant, par ces seuls motifs, fait ressortir que les deux rapports d’expertise amiable établis par deux experts distincts à la demande du maître de l’ouvrage se corroboraient l’un l’autre et que le chiffrage de ces travaux proposé par l’un des experts était en adéquation avec celui du devis établi cinq ans auparavant par un entrepreneur, elle a souverainement déduit, motivant sa décision, sans violer le principe de la contradiction, ni être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, que le coût des travaux de reprise des désordres devait être fixé à la somme de 70 000 euros HT, à laquelle s’ajoutait la taxe sur la valeur ajoutée. » 

Dans l’arrêt du 30 janvier 2025, la Cour de cassation indique que : « Ces deux rapports d’expertise privée se corroborant l’un l’autre tant sur la persistance du désordre après l’expertise judiciaire initiale que sur l’existence d’un lien entre l’humidité récurrente et l’évacuation des eaux pluviales situées dans l’angle du toit-terrasse, sur laquelle la société CERTBAT était intervenue, la cour d’appel a pu en déduire que celle-ci avait engagé sa responsabilité décennale. »

Dans le cadre de cette affaire, tout en constatant qu’un expert judiciaire, dans le cadre de deux rapports d’expertise successifs, avait objectivé des traces d’anciennes infiltrations sans pour autant pouvoir les imputer à un constructeur précis, il s’était néanmoins référé à deux rapports d’expertise amiables qui lui avaient été produits et qui avaient été soumis, dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire, à la discussion contradictoire des parties.

La solution n’est pas nouvelle, ayant déjà été jugé que le complément de preuve pouvait parfaitement résulter d’un rapport d’expertise privé venant corroborer un premier rapport d’expertise amiable (Cass, 1ère civ, 9 septembre 2020, n°19-13.755, Publié au bulletin), quand bien même les deux rapports d’expertise privés auraient-ils été établis non-contradictoirement (Cass, 3ème civ, 15 novembre 2018, n°16-26.172). 

De façon plus surprenante, on rappellera à toute fin un arrêt rendu le 14 juin 2023 (Cass, 1ère civ, 14 juin 2023, n°21-24.996), ayant considéré qu’à titre de complément de preuve les indications figurant dans un rapport d’expertise amiable non versé aux débats pouvaient être retenues, dès lors que les pièces communiquées contradictoirement établissaient son existence et dont les conclusions étaient convergentes avec un rapport d’expertise amiable quant à lui communiqué :

« Dès lors que la cour d’appel s’est fondée non seulement sur le rapport de l’expert missionné par monsieur Z mais aussi sur des pièces établissant qu’une expertise dont les conclusions étaient convergentes avait également été réalisée à la demande de la société GROUPAMA, même si celle-ci s’était abstenue de la produire, le moyen manque en fait. »

En tout état de cause, au soutien de la production d’une pièce contestée, il peut toujours être utilement soutenu la reconnaissance jurisprudentielle du droit que les parties ont à la preuve (Cass, 1ère civ, 5 avril 2012, n°11-14.177) : « Attendu qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la production litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice de son droit à la preuve, et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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