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Non réalisation de la condition suspensive d’obtention de prêt et appréciation de la bonne foi du bénéficiaire d’une promesse de vente

Dans un arrêt rendu le 6 juin 2024, la Cour de cassation a rappelé les limites qu’elle entend poser à l’appréciation de la bonne foi du bénéficiaire d’une promesse de vente en cas de non-obtention du financement bancaire objet de la condition suspensive prévue par l’article L 312-41 du code de la consommation.

Pour autant, la notion de bonne foi n’est pas totalement étrangère à sa jurisprudence.

En l’espèce, une promesse de vente portant sur un immeuble d’habitation avait été conclue le 29 septembre 2020, assortie d’une condition suspensive d’obtention par le bénéficiaire, avant le 30 novembre 2020, d’un ou plusieurs concours bancaires d’un montant de 373.100,00 euros au taux d’intérêt maximum de 1,5% hors assurance et d’une durée maximale de remboursement de 20 ans.
Il avait alors été convenu qu’en cas de refus de financement, le bénéficiaire devait justifier de ses diligences en adressant au notaire deux attestations bancaires.

Estimant que le bénéficiaire avait manqué à ses obligations au titre de la recherche du financement de son acquisition, les promettants l’ont assigné en paiement de l’indemnité d’immobilisation d’un montant de 34.980,00 euros.

Par un arrêt en date du 2 février 2023, la Cour d’appel de Bourges a condamné le bénéficiaire au paiement de l’indemnité d’immobilisation, qui a alors formé un pourvoi en cassation, au motif qu’il justifiait de sa bonne foi en ayant versé aux débats les conventions conclues avec un courtier et les devis établis pour procéder à la mise en conformité de l’installation sanitaire avec le concours d’un maître d’œuvre, a qui des honoraires avait été versés.

Il était ainsi reproché aux juges d’appel de s’être bornés à vérifier si les demandes de prêt formés par le bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente correspondaient aux caractéristiques du prêt fixé dans la promesse.

Selon l’appelant, les éléments produits étaient de nature à démontrer la loyauté de son comportement dans la recherche du financement, de sorte qu’il ne pouvait pas être considéré qu’il aurait « empêché » l’accomplissement de la condition suspensive prévue dans la promesse unilatérale de vente au sens des dispositions de l’article 1304-3 du code civil.

Dans son arrêt en date du 6 juin 2024 (Cass, 3ème civ, 6 juin 2024, n°23-14.235), la Cour de cassation rappelle très clairement qu’il n’incombe au juge que de vérifier si les demandes de financement adressées par le bénéficiaire de la promesse correspondent aux stipulations de l’avant-contrat, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, à l’exception d’une seule :

« En l’état de ces énonciations, la cour d’appel qui n’était pas tenue d’effectuer la recherche invoquée par la première branche du moyen, que ses constatations rendaient inopérantes, ni d’analyser les pièces nouvellement transmises destinées à démontrer la loyauté du bénéficiaire, sans lien avec les termes de la condition suspensive, a pu retenir, dans l’exercice de son pouvoir souverain, que celui-ci avait fait obstacle à sa réalisation. »

Cette décision est parfaitement conforme à la jurisprudence habituelle de la Cour de cassation, qui considère que le fait de solliciter un financement bancaire différent de ce qui a été défini dans le cadre de la promesse de vente suffit à faire échec à la présomption de bonne foi prévue par l’article 1103 du code civil (Cass, 1ère civ, 20 novembre 2013, n°12-29.021, Publié au bulletin ; Cass, 3ème civ, 13 janvier 1999, n°97-14.439).

Ce faisant, la jurisprudence entend faire une stricte application des dispositions de l’article 1304-3 du code civil, dont il résulte que « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoquée par la partie qui y avait intérêt. »

Dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente, c’est donc au bénéficiaire, qui a indiqué vouloir recourir à un financement bancaire, de démontrer qu’il a sollicité un prêt strictement conforme aux caractéristiques indiquées dans la promesse (Cour d’appel de Rennes, 22 novembre 2022, n°20-03.186).

Il reste que la condition suspensive d’obtention de prêt ayant vocation à protéger le bénéficiaire, le promettant ne peut solliciter la caducité de la promesse de vente au motif que la demande de financement aurait portée sur un montant moindre que ce qui avait été prévu à l’avant contrat, dès lors que le budget nécessairement au paiement du prix a été réuni (Cass, 3ème civ, 14 janvier 2021, n°20-11.224).

Sur ce, il sera retenu que la jurisprudence impose une appréciation objective quant à l’application de la sanction prévue par l’article 1304-3 du code civil, qui a pour conséquence de devoir s’acquitter de l’indemnité d’immobilisation, dont l’objet n’est pas de sanctionner une faute de l’acquéreur, mais de compenser la réservation du bien par le promettant jusqu’à la date prévue pour la levée éventuelle de l’option d’achat.

Pour autant, il apparait nécessaire de rappeler que, dans un arrêt en date du 9 novembre 2023 (Cass, 3ème civ, 9 novembre 2023, n°22-13.900), la Cour de cassation a estimé que la non-réalisation de la vente ne pouvait pas être imputée à l’acquéreur qui avait demandé un prêt non-conforme aux stipulations de la promesse de vente, dès lors que la banque lui aurait refusé le prêt en tout état de cause, du fait de l’insuffisance de ses capacités de remboursement, peu important qu’il ait pu obtenir un accord de principe.

Dans cette décision intéressante, la Cour de cassation avait cassé l’arrêt d’appel qui avait condamné l’acquéreur à payer le montant de la somme séquestrée entre les mains du notaire pour s’être engagé avec une « légèreté blâmable » et alors qu’un accord de principe lui avait été accordé.

Ce faisant, la Cour de cassation avait indiqué que la condition suspensive ne pouvait pas être réalisée, le bénéficiaire n’étant pas fautif d’avoir manqué à ses obligations, tout en rappelant qu’un accord de principe ne constituait pas une offre de prêt.

Force est donc de constater que l’appréciation de la bonne foi du bénéficiaire d’une condition suspensive d’obtention de prêt n’est pas totalement exclue par la jurisprudence, tout étant affaire de circonstances et de présentation.

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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