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Manque à son obligation de délivrance conforme celui qui délivre un bien immobilier déclaré comme étant raccordé au réseau d’assainissement, « sans aucune garantie de conformité aux normes en vigueur », alors qu’il ne l’est pas directement

Cass, 3ème civ, 11 juillet 2024, n°22-24.357

Par un acte authentique en date du 24 mai 2016, une promesse synallagmatique de vente a été conclue portant sur la vente d’un immeuble moyennant le prix de 8.100.000 euros et une durée de validité expirant le 15 septembre 2016.

Il a alors été convenu du versement d’une somme de 405.000 euros, acompte dont le versement était garanti par la remise d’une garantie autonome de paiement à première demande souscrite auprès de la société CEGC.

Il était également convenu d’une indemnité d’immobilisation de 405.000 euros.

Dans le cadre de la promesse de vente, le promettant s’était engagé à délivrer un bien raccordé à l’assainissement communal, sans pour autant apporter une quelconque garantie sur la conformité des installations aux normes en vigueur.

Le promettant s’est également engagé à demander dans les huit jours de la promesse à un organisme habilité l’établissement d’un diagnostic de l’installation d’assainissement, la promesse stipulant que dans le cas où un certificat de conformité ne pourra pas être délivré les parties devaient se concerter pour la suite à donner…

Sur ce, le diagnostic qui a été établi par l’organisme agréé a conclu que les réseaux d’eaux usées et d’eaux pluviales des bâtiments étaient bien raccordés aux réseaux publics de la ville, mais qu’ils n’étaient pas conformes en raison de deux anomalies de raccordement portant notamment sur un mélange des eaux usées et des eaux pluviales, alors que par ailleurs de nombreuses canalisations arrivaient dans des endroits où il n’y avait pas d’accès, de sorte qu’il n’était pas possible de délivrer un certificat de conformité des réseaux.

Par ailleurs, le bénéficiaire produisait un procès-verbal de non-conformité de l’assainissement mentionnant que la moitié des eaux usées étaient raccordées sur un séparateur hydrocarbures d’un parking voisin et un deuxième procès-verbal du 12 septembre 2016 mentionnant les points sur lesquels portait la non-conformité.

En définitive, l’acte authentique de vente n’a pas été régularisé compte tenu de la non-conformité de l’installation d’assainissement.

Le promettant a donc assigné le bénéficiaire de la promesse et le garant à première demande devant le Tribunal judiciaire de Paris, suivant exploit en date du 27 mai 2020, en paiement de la somme de 405.000 euros au titre de la clause pénale.

En défense, le bénéficiaire a sollicité à son tour la condamnation du promettant au paiement du montant de l’indemnité d’immobilisation, en lui reprochant d’avoir manqué à son obligation de délivrance conforme.

Par un jugement en date du 27 mai 2020, le Tribunal judiciaire de Paris a débouté le promettant de sa demande de condamnation et l’a au contraire condamné au paiement du montant de l’indemnité d’immobilisation au profit du bénéficiaire, au motif qu’il avait manqué à son obligation de délivrance conforme, faisant ainsi droit à la demande reconventionnelle.

Saisi d’un appel, par un arrêt en date du 16 septembre 2022, la Cour d’appel de Paris (Cour d’appel de Paris, 16 septembre 2022, n°20/06942) a infirmé le jugement, au motif que le promettant ne s’est engagé, au terme de la promesse de vente, qu’à délivrer un bien raccordé à l’assainissement communal tout en stipulant ne garantir aucunement la conformité des installations aux normes en vigueur, ayant ainsi rempli ses obligations aux termes de la promesse.

Ainsi, il ne pouvait pas être retenu que le promettant avait l’obligation de délivrer un bien directement raccordé au réseau communal avec un réseau conforme, sauf à rajouter une garantie qui ne figurait pas dans la promesse.

Par son arrêt en date du 11 juillet 2024, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, en retenant que dans la mesure où le promettant s’était engagé à délivrer un bien raccordé à l’assainissement communal, il s’entendait qu’il avait ainsi  « promis de vendre un bien dont toutes les canalisations y étaient correctement raccordées », indépendamment du fait qu’il avait pu indiquer dans la promesse qu’il n’entendait apporter aucune garantie sur la conformité des installations aux normes en vigueur.

Or, en l’espèce, il était établi que si les évacuations du bâtiment vendu étaient effectivement raccordées au réseau communal (EP et EU), elles ne l’étaient pas directement puisqu’un certain nombre de canalisations empruntaient des réseaux voisins, outre diverses autres non-conformités, ce qui empêchait la délivrance d’un certificat de conformité.

La décision rendue apparait tout à fait conforme à la jurisprudence la plus habituelle, avec toutefois pour intérêt l’existence d’une mention selon laquelle le promettant ne s’engageait à rien en terme de conformité de l’installation d’assainissement, ce que le bénéficiaire avait accepté en signant la promesse de vente (voir à cet égard : Cass, 3ème civ, 17 septembre 2020, n°19-18.462, sur le plan factuel car rejet article 1014 alinéa 1er du cpc).

Il sera donc rappelé que l’article 1604 du code civil définit l’obligation de délivrance comme celle qui est faite au vendeur de transporter la chose vendue en la puissance et la possession de l’acquéreur.

Il en résulte que le bien délivré doit être conforme au contrat, ce qui procède d’une obligation contractuelle de résultat, la jurisprudence considérant à cet égard que l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement constitue un défaut de conformité et non un vice caché, dès lors que l’immeuble a été vendu comme étant raccordé (Cass, 3ème civ, 28 mars 2007, n°06-12.461 ; Cass, 3ème civ, 28 janvier 2015, n°13-19.945 ; 13-27.050).

Dans un arrêt en date du 19 septembre 2019 (Cass, 3ème civ, 19 septembre 2019, n°18-394), la Cour de cassation a indiqué que le fait de vendre un bien dont le raccordement au réseau d’assainissement public n’est pas conforme constitue un défaut de délivrance engageant la responsabilité du vendeur, dès lors que l’acte de vente fait mention d’un raccordement.

Le fait que la chose délivrée soit conforme aux prévisions du contrat constitue l’un des objets de l’obligation de délivrance au sens des dispositions de l’article 1603 du code civil.

Dès lors que le raccordement d’une maison d’habitation au réseau d’assainissement est mentionné à l’acte, il en résulte qu’il s’agit nécessairement d’une qualité substantielle de la chose vendue, de sorte que le simple fait d’indiquer dans la promesse qu’il n’est apporté aucune garantie sur la conformité de l’installation et donc du raccordement ne peut-être de nature à exonérer le vendeur, sauf à priver l’obligation de sa substance.

En fait, s’il existe une incertitude portant sur la conformité de l’installation d’assainissement, elle ne peut être supportée par l’acquéreur.

Il en va bien entendu différemment, lorsque l’acquéreur avait eu connaissance de la non-conformité avant la vente et qu’il l’a ainsi accepté.

Dans un arrêt en date du 16 janvier 2013 (Cass, 3ème civ, 16 janvier 2013, n°11-27.101), la Cour de cassation a ainsi jugé que la délivrance d’un terrain pollué était conforme à la convention des parties, dès lors qu’elle portait sur un terrain comportant un risque de pollution connu de l’acheteur.

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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