Très longtemps, il a été considéré que l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) ne pouvait être assimilable à un locateur d’ouvrage et ne pouvait donc pas revêtir la qualité de constructeur au sens des dispositions de l’article 1792-1-3° du code civil, qui dispose que :
« est réputé constructeur de l’ouvrage toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage. »
La situation a évolué et la jurisprudence, d’abord administrative, puis civile, peu fournie au-demeurant, a précisé les conditions requises pour qu’un AMO soit assimilé à un constructeur, avec toutes les conséquences qui en découlent nécessairement.
Si en principe, l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) a pour mission d’assister le maître de l’ouvrage dans l’exécution de son activité de construction, sa mission de conseil doit alors uniquement porter sur des aspects techniques, financiers, administratifs, environnementales ou juridiques.
Tant en phase de conception, que d’exécution, l’AMO ne peut représenter le maître de l’ouvrage auprès de la maîtrise d’œuvre et des différents intervenants sur le chantier, que si son contrat de prestations de services le prévoit expressément.
Et encore, dans cette hypothèse, l’AMO ne peut être habilité qu’à prendre des décisions courantes, dans l’intérêt du maître de l’ouvrage, afin de permettre le bon déroulement du chantier.
En toutes circonstances, le maître de l’ouvrage reste en effet le seul contractant direct avec les différents intervenants à l’acte de construire.
Dans un arrêt en date du 20 juillet 2021, la Cour d’appel de Pau (Cour d’appel de Pau, 2ème chambre, section 1, 20 juillet 2021, n°18/03203) a très clairement rappelé ces principes :
« En droit, la mission d’assistance au maître d’ouvrage (AMO) ne confère au titulaire aucun pouvoir de décision ou de représentation à l’égard des tiers. C’est une prestation de services, une mission de conseil et d’assistance dont l’étendue est déterminée par les seuls termes du contrat.
La fonction de l’AMO ne constitue jamais une mission de maîtrise d’œuvre, l’assistance ayant pour but d’apporter au maître de l’ouvrage un conseil éclairé et indépendant des constructeurs.
La responsabilité de l’AMO doit être appréciée au regard d’une obligation de moyens et non de résultat, s’agissant notamment de la phase de suivi de chantier. »
A ce stade, l’AMO ne peut pas être qualifié de locateur d’ouvrage, et sa responsabilité est alors recherchée sur le fondement d’un manquement à son obligation contractuelle de conseil et d’assistance à l’égard du maître de l’ouvrage, selon les termes de la mission qui lui a été confiée par le contrat de prestation de services.
Mais dès lors que la mission attribuée à l’AMO excède la simple mission d’accompagnement administratif, juridique et financier, la qualité de constructeur peut parfaitement lui être conférée compte tenu de la nature de sa mission (Conseil d’Etat, 9 mars 2018, 7ème, 2ème chambres réunies, n°406205).
Par un arrêt en date du 21 février 2011, le Conseil d’Etat a très clairement indiqué, s’agissant d’un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), que la responsabilité décennale incombe notamment à « toute personne appelée à participer à la construction de l’ouvrage, liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ou qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage ». (Conseil d’Etat, 21 février 2011, Société Icade G3A et société services, conseil, expertises, territoires, 330515).
Ainsi donc, lorsque le contrat d’assistance à la maîtrise d’ouvrage confie à son titulaire une mission de conduite d’opération dans le cadre de l’exécution de l’opération immobilière, le contrat de prestation de services doit être qualifié de contrat de louage d’ouvrage et dès lors son titulaire de constructeur au sens des dispositions de l’article 1792-1-3° du code civil.
Il en résulte qu’en tant que tel, l’AMO est alors redevable de la garantie décennale et donc soumis à l’obligation d’assurance.
Cette analyse a été partagée par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 24 juin 2021 (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 1-8, 24 juin 2021, n°18-03214), qui s’est d’ailleurs expressément référée à la décision rendue par le Conseil d’Etat le 9 mars 2018, en conditionnant la qualification de constructeur à l’AMO a son implication technique dans l’acte de construire.
Analyse confirmée par un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 13 avril 2023 (Cass, 3ème civ, 13 avril 2023, n°22-11.024), s’agissant d’un AMO qui s’était vu confier une mission « Haute Qualité Environnementale » dans le cadre de la construction d’un ensemble immobilier à usage d’habitation au sein d’une station de ski.
Il avait alors été conclu que les dysfonctionnements de l’installation de production centralisée d’eau chaude sanitaire étaient la conséquence d’un choix de technologie inadaptée à son environnement, du fait d’une insuffisance d’ensoleillement en période hivernale :
« … elle a retenu … que la société Hydrotherm était investie d’une mission « Haute Qualité Environnementale » de programmation, de conception et de suivi de réalisation des travaux, ce dont il résultait qu’elle était tenue d’une mission de conseil sur l’adaptation de l’ouvrage à sa localisation. »
« En l’état de ces énonciations et appréciations, elle a pu retenir, procédant à la recherche prétendument omise, que les dommages résultant pour l’essentiel du choix d’une technologie inadaptée à son environnement étaient imputables à la société Hydrotherm, de sorte que cette dernière était tenue in solidum de préparer les préjudices matériel et immatériel du syndicat des copropriétaires, avec les autres locateurs d’ouvrage, sur le fondement de la garantie décennale. »
Il s’entend alors que si l’AMO n’a pas souscrit d’assurance RC décennale, pour se couvrir de sa responsabilité découlant de l’article 1792 du code civil, son gérant est alors susceptible de voir sa responsabilité personnelle engagée, la Cour de cassation ayant à cet égard très clairement rappelé dans un arrêt en date du 5 décembre 2024 (Cass, 3ème civ, 5 décembre 2024, n°22-22.298) que :
« Le gérant d’une société, qui ne souscrit pas au nom de celle-ci l’assurance de responsabilité décennale obligatoire, commet une faute personnelle constituant le délit prévu par l’article L 243-3 du code des assurances et engage sa responsabilité personnelle à l’égard des tiers auxquels cette infraction a porté préjudice. »
Dans cette espèce, la mission qui avait été confiée à l’AMO consistait à contrôler le travail de l’architecte et à veiller à la bonne réalisation des travaux selon les descriptifs et les marchés de travaux passés.
Etant appelé à intervenir sur le chantier en qualité de locateur d’ouvrage, l’AMO avait alors la qualité de constructeur assujetti à l’assurance décennale obligatoire.
Il s’entend que si les désordres dénoncés ne présentent pas de caractère décennal, la responsabilité de l’AMO peut toujours être recherchée sur le fondement contractuel, au même titre que tout autre constructeur et selon le régime juridique qui leur est applicable.
C’est tout précisément ce qui a été retenu par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 3 avril 2025, avec une rigueur toute particulière (Cass, 3ème civ, 3 avril 2025, n°23-21.080).
Dans cette décision, la Haute juridiction a en effet considéré que l’assistant à la maîtrise d’ouvrage (AMO), qui a reçu la mission d’assister les maîtres de l’ouvrage lors de la mise au point et de l’exécution du marché pour toutes les questions techniques, notamment en ce qui concerne les matériaux, qui a participé aux choix des enduits et qui n’ignorait pas l’importance de la présence de chaux dans la composition du mortier à appliquer pour éviter l’apparition de fissurations, a manqué à son obligation de conseil à l’égard du maître de l’ouvrage en ne vérifiant pas que le produit finalement appliqué n’en contenait pas, et que le choix de la technique de finition, s’agissant des glacis et des soubassements, n’était pas adapté…