En application de l’article L 242-1 du code des assurances, le propriétaire de l’ouvrage qui fait réaliser des travaux de construction doit souscrire une assurance garantissant, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens des dispositions de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil.
L’assureur dommages ouvrage doit donc garantir les désordres de nature physique décennale affectant l’ouvrage, c’est-à-dire ceux qui remettent en cause sa solidité ou qui l’affectant dans un élément constitutif ou d’équipement le rendent impropre à sa destination et qui sont survenus dans le délai de 10 ans à compter de la réception.
Par application des dispositions de l’article L 114-1 du code des assurances, l’assureur dommages ouvrage doit indemniser les désordres décennaux survenus avant l’expiration du délai d’épreuve de la garantie, même s’ils ont été portés à la connaissance de l’assuré ultérieurement, dans le délai maximum théorique de 2 ans à compter de la fin du délai d’épreuve.
L’assuré dispose en effet d’un délai de 2 ans, à compter de la connaissance du désordre, pour régulariser une déclaration de sinistre dommages ouvrages, au titre d’un désordre survenu dans le délai d’épreuve de la garantie décennale.
Dans la mesure où l’assureur dommages ouvrage doit préfinancer les travaux de réparation sans en supporter la charge finale, l’article L 121-12 du code des assurances dispose qu’ayant payé l’indemnité d’assurance, il est subrogé jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
Au terme de l’article L 121-2 alinéa 2 du code des assurances, l’assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l’assuré, lorsque la subrogation ne peut plus, par le fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur.
Dès lors, pour que l’assureur puisse se prévaloir d’une déchéance de garantie du fait qu’il ait été privé de son recours subrogatoire, il se doit nécessairement d’établir la preuve de l’existence d’une faute imputable à l’assuré.
La faute de l’assuré constitue en effet une condition de la déchéance de son droit à indemnisation, la sanction prévue à l’article L 121-12 alinéa 2 du code des assurances s’analysant en une déchéance du droit de l’assuré à son indemnité.
Il en résulte que la simple constatation d’un fait non fautif de l’assuré, de nature à priver l’assureur de son recours subrogatoire, ne saurait constituer une circonstance légitime pour le déchoir de son droit à indemnisation.
Dans un arrêt rendu le 9 novembre 1999 (Cass, 1ère civ, 9 novembre 1999, n° 97-16.287, publié au bulletin), la Cour de cassation a clairement indiqué que la circonstance qu’un assuré a, par son fait, empêché la subrogation en faveur de son assureur, relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Dès lors, à défaut de caractériser l’existence d’une faute imputable à l’assuré ayant privé son assureur du bénéfice de la subrogation, la Cour de cassation sanctionne pour défaut de base légale la décision d’appel ayant déchu l’assuré de son droit à indemnisation, du fait de la présence dans le contrat de bail d’une clause devant s’interpréter comme limitative de responsabilité, stipulée par l’assuré au profit du fournisseur, privant l’assureur de tout recours subrogatoire dans les droits de son assuré (Cass, 2ème civ, 17 décembre 2020, 18-24.103 ; 18-24.915, publié au bulletin).
A toutes fins, il sera rappelé que le bénéfice de l’exception de subrogation n’est pas subordonné à l’information de l’assuré par l’assureur dommages ouvrage, lorsqu’il lui notifie une position de non garantie.
De la sorte, lorsque l’assureur dommages ouvrage dénie sa garantie à son assuré, il n’est pas tenu de lui rappeler la position qu’il prend en ce qui concerne l’exercice du droit de subrogation (Cass, 3ème civ, 11 juillet 2019, n° 18-17.433).
Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes le 24 février 2022 (Cour d’appel de Rennes, 4ème chambre, 24 février 2022, n° 20-00619), la jurisprudence vient une nouvelle fois de faire application de l’exception de subrogation au profit de l’assureur dommages ouvrage, pour déchoir un syndicat des copropriétaires de son droit à indemnisation du fait d’un manquement fautif de son syndic.
En l’espèce, quelques mois après l’expiration du délai d’épreuve de la garantie décennale, le syndicat des copropriétaires avait, par l’intermédiaire de son syndic, régularisé une déclaration de sinistre auprès de l’assureur dommages ouvrage du fait de l’existence de désordres d’infiltration en toiture et de la découverte de mérule dans un appartement.
Les opérations d’expertise judiciaire avaient alors révélé que le syndicat des copropriétaires ne pouvait pas raisonnablement ignorer la présence de mérule dans l’appartement, du fait de l’existence d’un dégât des eaux survenu au même endroit et dénoncé par le locataire avant l’expiration du délai d’épreuve de la garantie décennale, à telle enseigne que le syndic de la copropriété avait alors régularisé une déclaration de sinistre dommages ouvrage, par erreur adressée à un mauvais assureur qui ne s’était pas manifesté.
La cour d’appel a alors relevé que :
« Il résulte de ces éléments que, fin 2013, le syndicat des copropriétaires avait été avisé d’un désordre lié à une humidité importante dans l’appartement de M. Y ce qui, au regard de la destination des lieux, constituait un dommage de nature décennale, dont le paiement n’est pas démontré. »
Suite à la déclaration de sinistre prétendument adressée au mauvais assureur, le syndicat ne s’est inquiété ni de l’absence d’accusé de réception de la part de l’assureur dommages ouvrage ni de l’absence de désignation d’un expert et n’a pas renouvelé de déclaration à la société AXA avant le 9 mai 2015, date d’expiration du délai d’épreuve, ce qui a permis aux infiltrations de perdurer et au mérule de se développer. Ces négligences de la part de l’assuré a déclarer le désordre connu depuis fin 2013 ayant permis le développement parasitaire découvert en novembre 2015, après expiration du délai d’épreuve, ont privé la société AXA de la possibilité d’exercer après paiement des réparations, le recours subrogatoire qui lui est reconnu contre l’entrepreneur responsable du désordre et son assureur.
La société AXA est dans ces conditions fondée à se prévaloir des dispositions de l’article L 121-12 alinéa 2 du code des assurances. Les demandes de garantie présentées à son encontre par les intimés sont en conséquence rejetées. »
La décision apparaît fondée droit, puisque caractérisant expressément la nature du fait fautif de l’assuré, ainsi que les raisons pour lesquelles il en résulte que l’assureur dommages ouvrage se trouve privé de son recours subrogatoire.