A propos de :
Cass, 3ème civ, 7 décembre 2023, n° 22-20.093
Cass, 3ème civ, 21 décembre 2023, n° 22-20.045
L’article 1645 du code civil dispose que le vendeur professionnel est irréfragablement présumé connaître les vices de la chose vendue, de sorte qu’il ne peut se prévaloir de l’existence d’une clause limitant ou excluant sa garantie au titre des vices cachés.
La jurisprudence a été amenée à préciser que le vendeur, personne physique, qui a réalisé lui-même les travaux à l’origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de la garantie des vices cachés (Cass, 3ème civ, 9 février 2011, n° 09-71.498, Cass, 3ème civ, 10 juillet 2013, n° 12-17.149).
Au sujet d’une société civile immobilière, la jurisprudence a été amenée à distinguer selon l’objet de son activité.
Ainsi, dans un arrêt en date du 27 octobre 2016 (Cass, 3ème civ, 27 octobre 2016, n° 15-24232), la Cour de cassation a qualifié une SCI de vendeur professionnel, dès lors que son objet social portait sur « l’acquisition par voie d’achat ou d’apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, l’aménagement, l’administration et la location de tous biens et droits immobiliers » et qu’elle « avait acquis une vieille ferme qu’elle avait fait transformer en logements d’habitation dont elle avait vendu une partie et loué le reste et qu’elle avait immédiatement réinvesti les profits retirés dans une autre opération immobilière ».
La vente s’inscrivant dans le cadre d’une opération spéculative et non dans un contexte gestion patrimoniale simplement familiale, la SCI venderesse soit être assimilée à un professionnel, ce qui a pour effet de priver d’efficacité la clause excluant sa garantie par application des dispositions de l’article 1645 du code civil.
Cette analyse a été réitérée par la Haute juridiction dans un arrêt du 19 octobre 2023 (Cass, 3ème civ, 19 octobre 2023, n° 22-15.536), sanctionnant une cour d’appel ayant fait application d’une clause d’exclusion de garantie des vices cachés prévue par l’acte de vente, sans rechercher si la société venderesse avait elle-même réalisé les travaux à l’origine des désordres affectant le bien vendu, peu important les changements survenus quant à l’identité de ses associés et gérants, de sorte qu’elle s’était comportée en constructeur et devait être présumée avoir connaissance du vice.
Les travaux avaient en effet été réalisés par la société civile immobilière par l’intermédiaire de son gérant personnellement à cette époque, peu important qu’il y ait eu changement de gérance depuis lors, compte tenu de sa fonction de représentation de la personne morale.
Le principe général selon lequel le vendeur, personne physique ou morale, qui se comporte comme un professionnel de la construction est irréfragablement présumé connaître les vices affectant la chose vendue, a été rappelé par un arrêt de la Cour de cassation en date du 7 décembre 2023 (Cass, 3ème civ, 7 décembre 2023, n° 22-20.093) :
« En statuant ainsi, alors qu’elle avait écarté pour ces trois vices l’application de la clause d’exclusion de garantie au motif que les vendeurs s’étaient comportés comme des professionnels de la construction sans en avoir les compétences, ce dont il résultait qu’ils étaient irréfragablement présumés connaître ces vices, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. »
Il reste qu’il s’agit nécessairement d’une appréciation au cas par cas, et qu’en tout état de cause les travaux doivent avoir été réalisés par le vendeur personnellement, qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une personne morale, ce qu’illustre parfaitement l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 21 décembre 2023 (Cass, 3ème civ, 21 décembre 2023, n° 22-20.045), qui a retenu le caractère opposable de la clause d’exonération des vices cachés, dès lors que les travaux réalisés sur le bien ne l’avaient pas été par la venderesse, dont il était expressément relevé qu’elle était mineure à cette époque, mais par ses parents, de sorte que, devenue propriétaire et venderesse, sa bonne foi devait être considérée comme établie (Cass, 3ème civ, 21 décembre 2023, n° 22-20.045).
Cette jurisprudence s’avère donc tout à fait conforme à une jurisprudence classique selon laquelle les travaux doivent avoir été réalisés par le vendeur personnellement et non par des tiers, afin de pouvoir échapper aux sanctions découlant des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile (Cass, 3ème civ, 18 avril 2019, n° 18-20.180) :
« Attendu que, pour écarter la clause d’exonération de garantie des vices cachés, l’arrêt retient qu’il est constant et non contesté que M. R… avait effectué ou fait effectuer dans les lieux des travaux, achevés en 2007, de démolition partielle, puis de reconstruction afin de transformer d’anciens locaux commerciaux en locaux d’habitation après les avoir réunis de sorte qu’il est réputé vendeur-constructeur et ne peut être exonéré de la garantie des vices cachés ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. R… avait lui-même conçu ou réalisé les travaux, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »