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Le principe de réparation intégrale du préjudice n’est pas limité par le montant du marché de travaux confié au locateur d’ouvrage

Cass, 3ème civ, 21 novembre 2024, n°23-13.989

Le principe de réparation intégrale du préjudice implique que le responsable du dommage doit indemniser l’intégralité du préjudice, sans qu’il en résulte pour la victime ni appauvrissement, ni enrichissement (Cass, 2ème civ, 9 novembre 1976, n°75-11.737 ; Cass, 3ème civ, 20 avril 2017, n°16-13. 603).

Il s’agit donc de rétablir « aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage, et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit. » (Cass, 3ème civ, 9 juillet 2002, n°19-18.954).

1. Une obligation de réparation intégrale de la victime sans perte :

L’application du principe de réparation intégrale du préjudice a pour conséquence que le maître de l’ouvrage doit être indemnisé de l’intégralité des dommages découlant du sinistre, ce qui implique la prise en charge des préjudices immatériels (indemnisation du préjudice locatif, prise en charge des frais de souscription de l’assurance dommages ouvrage nécessaire pour la réalisation des travaux réparatoires, prise en charge des frais de maîtrise d’œuvre notamment induits par les travaux de reprise – Cass, 3ème civ, 9 juillet 2020, n°19-18.954 ; Cass, 3ème civ, 21 janvier 2021, n°19-16.434 ; Cass, 3ème civ, 30 janvier 2020, n°19-10.038).

L’indemnisation est légitime dès lors que la dépense qui doit être engagée par le maître de l’ouvrage n’est pas dissociable des travaux de reprise nécessaires au traitement du désordre.

Sur ce, si le traitement du désordre implique la réalisation d’ouvrages qui n’étaient pas contractuellement prévus dans le marché initial, ce qui est le cas lorsqu’un sinistre reconnu comme étant de nature décennale est imputable à une absence d’ouvrage, les travaux supplémentaires qui en découlent doivent être indemnisés, sans qu’il puisse être prétendu à un enrichissement sans cause du maître de l’ouvrage (Cass, 3ème civ, 30 janvier 2020, n°19-10.038).

L’arrêt qui a été rendu le 21 novembre 2024 par la 3e Chambre civile de la Cour de cassation (Cass, 3ème civ, 21 novembre 2024, n°23-13.989) est intéressant, en ce qu’il précise qu’en application du principe de réparation intégrale, le responsable d’un dommage ne peut pas utilement prétendre que, sur le plan indemnitaire, il ne saurait être tenu qu’au paiement des travaux de reprise qui sont directement en lien avec l’objet de son marché.

En l’espèce, pour limiter le montant de l’indemnisation au titre des travaux de reprise et des frais annexes, les juges d’appel avaient retenu que la responsabilité décennale de l’entreprise était engagée au titre des désordres d’infiltration dans un sous-sol et que la réparation intégrale du préjudice résultant des désordres imposait la mise en place d’un système de drainage sous le dallage, associé à une remise en état du drainage périphérique, la mise en place de remblais de comblement et un traitement des remontées capillaires des murs.

Sur ce, après avoir constaté que l’intervention de l’entreprise s’était limitée à la réalisation du drainage périphérique, les juges d’appel en avaient déduit qu’elle ne pouvait être tenue qu’au paiement des travaux de reprise directement en lien avec l’objet de son marché, « Et qu’au regard de la nature de ces travaux, la souscription d’une assurance dommages ouvrage et les honoraires d’un bureau d’étude et d’un maître d’œuvre n’étaient pas nécessaires. »

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 8 mars 2023 (Cour d’appel Paris, 8 mars 2023, pôle 4, Chambre 5) est cassé au visa du principe de réparation intégrale, impliquant que le préjudice soit réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime.

Selon le même principe, il sera rappelé que la victime ne peut se voir reprocher de ne pas avoir limité son préjudice dans l’intérêt du responsable (Cass, 3ème civ, 14 janvier 2021, n°16-11.055).

En définitive, le seul véritable tempérament qui est posé au principe de réparation intégrale tient à l’application du principe de nécessaire proportionnalité entre le dommage subit et la solution réparatoire.

Après avoir imposé avec une extrême rigueur le principe d’une stricte remise en état au regard des dispositions contractuelles (Cass, 3ème civ, 27 mars 2012, n°11-11.798), la Cour de cassation applique désormais un contrôle totalement assumé sur la proportionnalité de la solution réparatoire, tout en rappelant que le préjudice doit être réparé selon les principes généraux de la responsabilité civile (Cass, 3ème civ, 5 septembre 2024, n°21-21.970).

C’est ainsi que dans un arrêt en date du 14 février 2019 (Cass, 3ème civ, 14 février 2019, n°18-11.836), la Cour de cassation a indiqué que le respect du principe de réparation intégrale n’impliquait pas nécessairement que le maître de l’ouvrage soit replacé dans une situation de conformité contractuelle, dès lors que les dommages pouvaient être réparés de façon pérenne. 

2. Une obligation de réparation intégrale de la victime sans profit :

En vis-à-vis, le principe de la réparation intégrale du dommage ne saurait justifier que l’indemnisation du maître de l’ouvrage excède le montant de son préjudice.

Sont ainsi systématiquement cassées les décisions qui ont pour conséquence d’aboutir à deux indemnisations distinctes pour un même préjudice, ce qui caractérise une situation manifeste d’enrichissement sans cause (Cass, 3ème civ, 5 décembre 2024, n°20-16.712).

Dans l’arrêt du 5 décembre 2024, la Cour de cassation, statuant sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code civil et du principe de la réparation intégrale, a considéré que les juges d’appel ne pouvaient pas indemniser les requérants à hauteur du montant intégral des travaux réparatoires, alors qu’il avait été objectivé qu’ils avaient bénéficié d’une réduction du prix de vente, qui avait été consentie par les premiers acquéreurs, en considération des désordres affectant la maison vendue, «  de sorte que les sous acquéreurs avaient déjà été indemnisés, au moins partiellement, de leurs préjudices matériels. »

Par contre, il ne saurait être prétendu à l’existence d’un enrichissement sans cause du maître de l’ouvrage lorsque les travaux qui sont nécessaires pour traiter le désordre emporte une amélioration d’ouvrage existant.

En effet, si le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, la victime dans la situation où elle se serait trouvée si le dommage n’était pas survenu, pour autant il ne saurait être appliqué un abattement pour cause de vétusté des existants repris dans le cadre des travaux réparatoires (Cass, 3ème civ, 26 janvier 2000, n°98-17.045, pour la réalisation d’un cuvelage sur la maçonnerie existante pour traiter un désordre d’infiltration en sous-sol).

Le principe vaut également pour la nécessité de reprendre à neuf une couverture existante vétuste, dès lors que les travaux sont nécessaires pour traiter un désordre d’infiltrations par des menuiseries installées en toiture.

Pour conclure, il sera rappelé qu’en application cette fois-ci des dispositions de l’article 4 du code civil, mais également du principe de réparation intégrale, le juge ne peut pas refuser d’évaluer le montant d’un dommage dont il a constaté l’existence en son principe, quitte à devoir rouvrir les débats de sorte que les parties puissent s’en expliquer contradictoirement (Cass, 3ème civ, 7 novembre 2024, n°21-15.748 ; Cass, 3ème civ, 7 novembre 2024, n°23-12.315, Publié au bulletin).

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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