Cass, 3ème civ, 11 juillet 2024, n°22-22.505
Les propriétaires d’une maison d’habitation ont confié à une entreprise la fourniture et l’installation d’un poêle à bois, qui a sous-traité la pose du conduit flexible du tubage. Un incendie s’est alors déclaré dans la maison d’habitation en 2015, ce qui a donné lieu à une indemnisation par l’assureur multirisque habitation qui, après expertise judiciaire, a fait assigner l’entreprise et son assureur aux fins de remboursement des indemnités versées, aux côtés de son assuré au titre du découvert de garantie.
L’entreprise et son assureur ont assigné en garantie le sous-traitant qui avait procédé à la pose du conduit flexible du tubage, ainsi que son assureur.
Par un arrêt en date du 30 août 2022, la Cour d’appel de Grenoble a condamné le sous-traitant à indemniser les conséquences dommageables du sinistre incendie à hauteur d’une somme de 271.724,78 euros au profit de l’assureur multirisque habitation et de 119.124,53 euros au profit de l’assuré, in solidum avec l’entreprise principale (Cour d’appel de Grenoble, 30 août 2022, n°19-02.778).
Le sous-traitant a été débouté de son recours en garantie à l’égard de son propre assureur, au motif qu’étant assuré pour les activités n°30 (plomberie, installations sanitaires à l’exclusion de la pose de capteurs solaires) et n°31 (installations thermiques de génie climatique, y compris ramonage et aérothermie, à l’exclusion de la pose de capteurs solaires), il n’avait pas déclaré à son assureur l’activité n°32 (fumisterie) comprenant la réalisation de systèmes d’évacuation des produits de combustion, hors fours et cheminées industriels).
Au soutien de son pourvoi, le sous-traitant indiquait essentiellement que la nature de l’activité n°31 (installations thermiques de génie climatique, y compris ramonage et aérothermie, à l’exclusion de la pose de capteurs solaires), qui était assurée, était définie dans la nomenclature figurant dans les conditions particulières, de sorte qu’il convenait de s’y référer pour apprécier si les travaux à l’origine du sinistre étaient ou non garantis en application de l’article 1134, devenu article 1103 du code civil.
L’arrêt d’appel de Grenoble a été cassé par la Haute juridiction, dans son arrêt en date du 11 juillet 2024 (Cass, 3ème civ, 11 juillet 2024, n°22-22.505), au visa des dispositions de l’article 1134 du code civil, devenu 1103 du code civil :
« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la pose d’un flexible du tubage d’un poêle à bois n’était pas comprise dans l’activité n°31 « installations thermiques de génie climatique » déclarée par l’assuré, compte tenu de la définition de cette activité dans la nomenclature annexée aux conditions particulières du contrat d’assurance, soit « la réalisation d’installations (production, distribution, évacuation) de chauffage et de refroidissement », la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
La décision rendue est l’occasion de rappeler qu’il est de principe constant que seule l’activité déclarée par l’assuré entre dans le champ d’application du contrat d’assurance, étant à cet égard précisé qu’il ne peut-être reproché à l’assureur de ne pas avoir vérifié les déclarations de l’assuré lors de la souscription (Cass, 3ème civ, 14 septembre 2017, n°16-19.626).
Ainsi donc, si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire, que doit souscrire tout constructeur, ne peut comporter des clauses et des exclusions autres que celles prévues à l’annexe I à l’article A 243-1 du code des assurances, la garantie de l’assureur ne peut concerner que le secteur d’activité professionnelle qui lui est déclaré par le constructeur.
Il n’en reste pas moins que la jurisprudence s’attache à contrôler le respect par l’assureur d’une certaine forme de loyauté contractuelle, nécessaire à garantir la sécurité juridique de l’assuré.
C’est ainsi que la Haute juridiction a précisé que la délimitation des activités déclarées dans un contrat d’assurance ne peut avoir pour effet de vider de sa substance la garantie souscrite, sauf à voir la clause réputée non écrite.
Il en va ainsi lorsque l’assureur entend conditionner sa garantie au respect de modalités d’exécution des travaux définies dans les conditions particulières du contrat.
Par contre, l’assureur est parfaitement à même de conditionner sa garantie au respect par l’assuré de l’utilisation d’un procédé technique contractuellement prévu dans le contrat d’assurance pour la réalisation des travaux déclarés (Cass, 3ème civ, 30 janvier 2019, n°17.31.121).
La Cour de cassation considère en effet que le recours à un « procédé technique » visé dans la clause relative à l’objet du contrat d’assurance de responsabilité décennale peut ne pas constituer une simple modalité d’exécution de l’activité déclarée, « mais cette activité elle-même », de sorte que la garantie doit être alors limitée aux activités effectuées avec l’utilisation du procédé (Cass, 3ème civ, 8 novembre 2018, n°17-24.488 pour le procédé Parallon ; Cass, 3ème civ, 30 janvier 2019, n°17-31.121).
De la même façon que l’assureur est parfaitement à même de conditionner sa garantie à la réalisation préalable d’une étude technique, ce qui ne saurait être assimilé à une exclusion de garantie (Cass, 3ème civ, 22 novembre 2018, n°17-22.112).
Maintenant, s’agissant de la définition même de l’activité déclarée, la frontière peut être délicate à préciser au regard de l’activité qui est réellement exercée par l’assuré sur un chantier, alors que l’assuré est régulièrement amené à devoir réaliser des travaux connexes à l’activité déclarée mais ayant une nature différente, ce qui est tout précisément l’objet de l’arrêt du 11 juillet 2024.
Sur ce, à la lecture de la jurisprudence, il peut être retenu les deux principes suivants :
1. La notion d’activité professionnelle ne doit pas s’entendre strictement, mais en considération de l’objet de l’activité déclarée (Cass, 3ème civ, 25 septembre 2002, n°00-22.173 ; Cass, 3ème civ, 10 septembre 2008, n°07-14.884).
2. Les activités accessoires ne rentrent pas en principe dans le champ des activités déclarées, sauf si ces activités accessoires sont mentionnées dans la définition de l’activité déclarée à laquelle il est fait référence dans la nomenclature annexée aux conditions particulières du contrat d’assurance à laquelle elles renvoient expressément (Cass, 3ème civ, 28 février 2018, n°17-13.618).
En l’espèce, la cour d’appel aurait donc dû rechercher si, bien que l’activité « Fumisterie » n’a pas été souscrite, l’activité de pose d’un tubage de poêle à bois ne constituait pas l’activité accessoire d’une autre activité quant à elle déclarée, en considération de la définition contractuelle qui est donnée de cette activité dans la nomenclature annexée aux conditions particulières du contrat d’assurance.
Il reste donc que nous sommes confrontés à une jurisprudence très casuistique, qui implique en définitive une certaine insécurité juridique pour l’assuré dont la lecture et la compréhension de toutes les clauses du contrat d’assurance ne lui sont pas nécessairement familières.
C’est ainsi que dans un arrêt en date du 18 janvier 2024 (Cass, 3ème civ, 18 janvier 2024, n°22-22.781), la Haute juridiction a considéré qu’une entreprise qui est assurée pour les activités de démolition, terrassement, VRD, structure et travaux de maçonnerie, béton armé, ouvrage d’art et équipements industriels en béton armé, charpente bois, couverture et zinguerie, n’est pas couverte pour des travaux d’enrochement, même si la nomenclature comprend donc l’activité de terrassement.
Les conséquences pour l’assuré sont en définitive redoutables, puisqu’il s’agit purement et simplement d’un refus de garantie, la jurisprudence ayant très clairement indiqué que le principe selon lequel la garantie de l’assureur de responsabilité décennale ne couvre que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur exclut l’application de la règle proportionnelle édictée par l’article L 133-9 du code des assurances (Cass, 3ème civ, 17 décembre 2003, n°02-16.096, Publié au bulletin).