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Non respect des normes ERP et responsabilité de l’architecte

Cass, 3ème civ, 5 septembre 2024, n°21-21.970

Par son arrêt en date du 5 septembre 2024, la Cour de cassation rappelle que l’architecte étant contractuellement tenu, à l’égard du maître de l’ouvrage, de concevoir un bâtiment d’habitation qui satisfasse aux normes applicables en matière d’accessibilité aux personnes handicapées, le défaut de conception résultant du non-respect des prescriptions réglementaires engage sa responsabilité contractuelle et l’oblige, dès lors, à réparer le préjudice en résultant « selon les principes généraux de la responsabilité civile. »

Dans le cas d’espèce, le maître d’ouvrage avait refusé de réceptionner les travaux du fait de la non-conformité constatée en cours de chantier et validée par un bureau de contrôle.

Il n’est pas nouveau en jurisprudence que l’architecte, qui répond d’une obligation de réaliser une opération de construction qui soit conforme aux normes d’accessibilité aux personnes handicapées, a de ce fait l’obligation de se renseigner sur la destination du bâtiment, en procédant aux investigations nécessaires (Cass, 3ème civ, 23 février 2000, n°98-17.138 ; Cass, 3ème civ, 15 février 2006, n°04-19.757).

Sur ce point, la Cour de cassation n’a pas manqué de rappeler que la réception de l’ouvrage laisse subsister la responsabilité contractuelle de l’architecte au titre d’un éventuel manquement à son obligation d’information et de conseil, causant un préjudice indépendant des dommages causés à l’ouvrage.

Ainsi donc, viole l’article 1231-1 du code civil, la cour d’appel qui exonère l’architecte de toute responsabilité, au motif que les ouvrages ont été réceptionnés sans réserve concernant une non-conformité réglementaire (Cass, 3ème civ, 12 octobre 2017, n°16-23.982).

L’arrêt rendu le 5 septembre 2024 est donc intéressant à plus d’un titre.

Tout d’abord, après avoir rappelé que les dispositions applicables en matière d’accessibilité pour les personnes handicapées concernent les bâtiments d’habitation collectif qui, en vertu de l’article R 111-18 du code de la construction et de l’habitation se définissent comme étant « tout bâtiment dans lequel sont superposés, même partiellement, plus de deux logements distincts desservis par des parties communes bâties », la Haute juridiction rappelle que, dans le cadre de sa mission de conception, l’architecte est redevable d’une obligation contractuelle de conseil relative à l’applicabilité des normes en vigueur au moment de la réalisation de la construction, sauf à caractériser une faute de conception.

Ensuite, au stade de la solution réparatoire, puisque le régime d’indemnisation s’inscrit dans le cadre des principes généraux de la responsabilité civile, l’arrêt n’est pas non plus dépourvu, sur ce point, d’un intérêt certain.

En effet, la solution réparatoire qui avait été retenue dans cette affaire consistait en la démolition reconstruction du bâtiment, sur la base des conclusions du rapport d’expertise judiciaire, en l’absence de toute solution technique alternative permettant d’assurer la mise en place d’un ascenseur qui constituait la cause principale de la non-conformité objectivée.

Sur ce, la Haute juridiction, dans le cadre de sa décision, n’a pas manqué de faire mention de l’exercice de son contrôle de proportionnalité entre la solution réparatoire et les inconvénients en résultant, dès lors qu’il était soutenu dans un des moyens du pourvoi que la démolition reconstruction d’un ouvrage non-conforme à une norme ne pouvait pas être ordonnée si elle était disproportionnée au regard de la gravité de la non-conformité et par rapport aux désordres affectant le bâtiment qui n’empêchaient pas en l’espèce son exploitation.

A ce sujet, l’arrêt répond des plus clairement que :

« Ayant ainsi caractérisé l’absence de toute autre solution technique susceptible, en rendant l’immeuble conforme à la réglementation, de réparer le dommage subi par la SCI, elle a pu en déduire, peu important les autres désordres ou malfaçons constatées, dès lors que la nécessité de reconstruire l’immeuble résultait uniquement de l’absence d’ascenseur, que le paiement d’une indemnité correspondant au coût de la démolition reconstruction n’était pas disproportionnée au regard de la non-conformité réglementaire constatée. »

A toute fin, il sera rappelé que la solution de démolition reconstruction ne va pas nécessairement de soi, dès lors qu’il existe une solution alternative acceptable ou que la non-conformité est jugée mineure, ce que la Cour de cassation a tout précisément retenu dans un arrêt du 17 novembre 2021 (Cass, 3ème civ, 17 novembre 2021, n°20-17.218) :

« Les non-conformités invoquées par X. et Y. étaient soit non établies, soit dénuées de gravité, et que le respect des règles de l’art et de la réglementation en vigueur était assuré après la réalisation des travaux ordonnés (…) A pu en déduire que la demande tendant à la démolition et à la reconstruction des maisons, qui se heurtait au principe de proportionnalité des réparations au regard de l’absence de conséquences dommageables des non-conformités constatées, devait être rejetée. »

Dans tous les cas, il s’impose au juge de rechercher s’il n’existe pas une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier, ou toutes autres conséquences notamment environnementales, au regard des circonstances dommageables des non-conformités. » (Cass, 3ème civ, 6 juillet 2023, n°22-10.884, Publié au bulletin).

Pour autant, s’agissant d’une non-conformité administrative, qui plus est à des règles d’accessibilité aux personnes en situation de handicap, dont l’arrêté du 24 décembre 2015, relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles, a renforcé le régime, il apparait très clairement par l’arrêt du 5 septembre 2024, que la marge de manœuvre sera beaucoup plus restreinte qu’en présence d’une simple non-conformité contractuelle…

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Par Ludovic Gauvin

Ludovic GAUVIN a prêté serment le 10 janvier 1996 et est inscrit auprès du barreau d’Angers depuis le 1er janvier 1997. Doté d’une formation générale en droit privé et en droit public, il a progressivement orienté son activité professionnelle dans le domaine du Droit immobilier et du Droit de la construction au sein d’une structure plus importante composée de 19 associés, dont il a été associé durant 13 ans, en charge du secteur Immobilier et Assurances dommages et RC. Associé fondateur du cabinet ANTARIUS AVOCATS, dont il est le gérant, il consacre désormais son activité uniquement au Droit de l’immobilier et au Droit de la construction sur toute la France pour les particuliers, les entreprises et les institutionnels publics et privés.

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