Sous-traitants d’un marché public et paiement direct : attention à préserver vos droits.
Trois arrêts récents du Conseil d’Etat nous fournissent l’occasion de rappeler les règles du paiement direct du sous-traitant dans le cadre d’un marché public et quelques bonnes pratiques à mettre en place pour en bénéficier lorsque vous intervenez en qualité de sous-traitant.
A titre de rappel, les dispositions de l’article 6 de la loi n° 75-1334 en date du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance prévoient que :
« (…) Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l’exécution.
(…)
Ce paiement est obligatoire même si l’entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites. (…) ».
L’article 8 de la même loi ajoute :
« L’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d’acceptation.
Passé ce délai, l’entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu’il n’a pas expressément acceptées ou refusées.
Les notifications prévues à l’alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception. »
Ces dispositions ont été reprises et complétées par les dispositions de l’article 62 de l’ordonnance n° 2015-899 en date du 23 juillet 2015 et des articles 133 à 137 du décret n° 2016-360 en date du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
Le mécanisme du paiement direct est propre aux marchés publics. Il vise à protéger les PME et TPE qui se voient confier par le titulaire, l’exécution d’une partie des prestations faisant l’objet du marché public qui lui a été confié. Les règles qui président au paiement direct sont d’ordre public et la loi répute non écrite toute renonciation éventuelle à leur bénéfice pour toute sous-traitance de plus de 600 euros.
Le droit au paiement direct suppose toutefois que le sous-traitant ait été accepté et que ses conditions de paiement aient été agrées par le maître d’ouvrage public dans les termes d’un acte spécial de sous-traitance (Modèle de DC4).
- A défaut d’avoir été accepté et agréé, le sous-traitant ne pourra prétendre être payé directement de ses interventions par le maître d’ouvrage public sauf s’il démontre que le maître d’ouvrage avait bien connaissance de son intervention avant la réception des ouvrages.
- Des échanges de mails directs entre le sous-traitant non accepté et le maître d’ouvrage public ne suffisent pas à démontrer que ce dernier avait eu connaissance de la qualité de sous-traitant de son correspondant.
Ces principes ont été rappelés dans un arrêt du Conseil d’Etat en date du 5 juillet 2017 qui rejette les demandes de M.A. en l’absence de preuve de la connaissance de son intervention en qualité de sous-traitant du maître d’œuvre par le maître d’ouvrage (CE, 5 juillet 2017, Cabinet M3C Ingénierie, n° 402481).
M. A. avait été sollicité en qualité de sous-traitant par le cabinet Roch Atic, mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre de deux opérations de construction engagées sous la maîtrise d’ouvrage publique du Centre hospitalier Vendée Loire Océan.
M.A. n’avait cependant pas été accepté par le maître d’ouvrage, ni ses conditions de paiement agréées. Ce qui ne l’avait pas empêché de prendre directement l’attache du maître d’ouvrage dans l’exécution de ses prestations.
Le juge administratif, tenu de vérifier si le maître d’ouvrage public avait eu connaissance, avant la réception des travaux, de l’intervention de M.A. en qualité de sous-traitant, retient que les mails échangés n’avaient pas permis au maître d’ouvrage d’identifier l’existence d’un contrat de sous-traitance entre le cabinet Roch Atic et M.A.
En l’absence d’une telle preuve, le Conseil d’Etat écarte tout droit au paiement direct du sous-traitant resté impayé.
NB : Cette décision pourra trouver une justification dans l’impossibilité pour le maître d’ouvrage public de payer deux fois une même prestation alors que le titulaire du marché de maîtrise d’œuvre avait déjà été payé.
Elle ne prive pas le sous-traitant d’une voie de recours à l’encontre de son donneur d’ordre qui a engagé sa responsabilité contractuelle en ne le rémunérant pas.
- Lorsque le sous-traitant a été accepté et ses conditions de paiement agréées, le maître d’ouvrage conserve le pouvoir de refuser ou de réduire son droit au paiement direct du sous-traitant lorsqu’il n’a pas exécuté ses prestations conformément au marché.
Dans un arrêt en date du 9 juin 2017, le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur le droit au paiement direct d’un sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement avaient été agréées alors que l’entreprise titulaire du marché principal avait été placée en liquidation judiciaire (CE, 9 juin 2017, Sté KFS, n° 396358).
Le titulaire du marché n’étant plus susceptible de se prononcer sur le droit à paiement du sous-traitant, le juge administratif consacre le pouvoir du maître d’ouvrage public de contrôler la bonne exécution des prestations confiées au sous-traitant.
Il retient en l’espèce, qu’« alors même que les travaux réalisés par la société KFS auraient été conformes aux règles de l’art, la commune était fondée à refuser de procéder au paiement direct de la somme sollicitée dès lors qu’il ressortait des éléments qu’elle avait souverainement relevés, sans dénaturation, que la consistance des travaux réalisés par la société KFS ne correspondait pas à ce que prévoyait le marché ».
Le pouvoir du maître d’ouvrage public de contrôler la nature et l’étendue des travaux sous-traités avait déjà été annoncé dans un arrêt en date du 27 janvier 2017 qui n’avait cependant pas admis la réduction de la rémunération du sous-traitant en l’espèce, en l’absence de preuve de l’absence des défaillances contractuelles du sous-traitant (CE, 27 janvier 2017, Sté Dervaux, n° 397311).